Pour ce qui est de la destinée de cet homme après qu’il a été arraché à l’étreinte de ses amis, je n’ai pas de connaissance directe; par contre, j’ai une connaissance déductive très forte, parce que basée sur quatre faits. Trois de ces faits, à savoir le premier, le deuxième et le quatrième, sont en faveur de l’idée qu’il a dû être sauvé; le troisième n’est une preuve dans aucun sens. Le facteur dominant est le quatrième fait; c’est lui qui a le plus de poids dans le jugement. Ce qui influe le plus, c’est la communion persistante avec Dieu de cette personne qui pria avec foi jusqu’au moment où l’homme fut emporté subitement. Ce fait, s’ajoutant aux autres, nous donne une ferme connaissance déductive touchant cet homme, et cela suffit pour réconforter et renouveler la foi dans la prière pour autrui.
D : L’homme agent du salut des siens
Nous ne pouvons pas lire dans la pensée d’un homme. Il est bien certain que, si, dans la dernière minute de sa vie, une créature regarde en suppliant vers Dieu, ce seul regard prouve que sa volonté est dirigée vers Dieu. Et cela est parfaitement suffisant. Dieu attend impatiemment ce dernier regard; il est avide de le voir. Il est hors de doute que plus d’une personne, au seuil de la mort, a levé les yeux vers Dieu, alors que nous ne pensions pas qu’elle avait sa connaissance et que, la voyant extérieurement inconsciente, les mouvements de son être subconscient nous échappaient. On peut être inconscient à l’égard de la vie extérieure et être néanmoins intimement conscient de la présence de Dieu.
Lors d’une autre réunion, je fus l’objet d’une autre confidence. Un homme d’esprit mûr et de jugement avisé me parla d’un de ses amis. Cet ami n’était pas un chrétien pratiquant. Or, un jour, il tomba d’un bateau; il plongea deux ou peut-être trois fois; il fut pourtant sauvé et ramené à la vie. Il racontait dans la suite avec quelle rapidité mille pensées, sa vie tout entière, se présentèrent à son esprit. Il eut nettement l’impression qu’il était perdu, mais il resta calme; il pensa à Dieu, il s’accusa de ne pas s’être confié en Lui, et en pensée il implora Son pardon. L’avenir montra en lui un chrétien pratiquant et convaincu. Ce simple exemple met en lumière toutes les possibilités de salut que Dieu offre à l’homme, et souvent sans que d’autres puissent s’en douter.
Ces paroles suffiront certainement à réconforter plus d’un cœur attristé, et de plus elles nous inciteront à prier incessamment et avec foi pour ceux que nous aimons, car le pouvoir de la prière est incommensurable. Dans tous les cas semblables, soyez persuadés que la prière est toute puissante.
Mais soyons prudents, très prudents. Ne nous laissons pas entraîner trop loin, car ce serait folie que de s’appuyer sur de telles affirmations pour résister à un appel miséricordieux. Nous ne devons pas perdre une occasion d’avertir nos frères, en toute charité, avec amour, mais néanmoins avec franchise, du danger terrible de toujours renvoyer au lendemain quand il s’agit de Dieu. Telle personne pourra être enlevée si subitement qu’elle n’aura pas le temps de lancer un dernier regard vers les cieux, et même, si elle est sauvée, elle sera responsable de sa vie devant Dieu. Il nous faut des hommes qui vivent pour Jésus et gagnent des âmes à Sa cause; les récompenses, les préférences, les honneurs dans le royaume des cieux dépendront de la fidélité que nous lui aurons témoignée sur la terre. Qui donc désirerait être sauvé in extremis ? Le fait important que nous devons sans cesse avoir devant les yeux, c’est que nous pouvons ouvrir à nos bien-aimés l’accès auprès de Dieu si seulement nous redoublons d’efforts dans la bataille.
E : Préparant les voies du Seigneur
Voyageant une fois dans les Etats qui se trouvent au delà du Mississipi, je fus mis en présence d’une illustration du pouvoir de la prière si typique, qu’elle me frappa immédiatement et me fut dans la suite d’un grand secours pour comprendre la prière.
Les faits parlent plus que les images. Si on pouvait savoir ce qui se passe autour de soi, que de surprises on aurait ! Si nous pouvions saisir tous les faits dont se compose un événement, les avoir dans leur pureté, et posséder le jugement capable de les passer au crible et de les analyser, quels exemples stupéfiants du pouvoir de la prière nous seraient révélés !
L’histoire que je vais vous raconter a deux faces; nous étudierons tour à tour l’homme qui fut transformé et la femme qui pria.
L’homme, américain de naissance et d’éducation, vivait dans l’ouest des Etats-Unis. La nature l’avait pour ainsi dire gratifié d’un corps de géant et d’une intelligence spécialement brillante. Il exerçait la profession d’avocat. Encore enfant, il avait décidé, s’il devenait chrétien, de se vouer à la prédication. Hélas ! il tourna au scepticisme; ses lectures furent toutes dirigées de ce côté, et ce fut dans cet esprit qu’il exerça sa profession. Il représentait au Congrès un des districts de son département, et le Congrès, à ce que je crois, était à sa quatrième période.
L’expérience que je raconte ici se produisit durant le Congrès où eut lieu le grand débat Hayes-Tilden (1), le Congrès le plus passionnant qu’il y ait eu à Washington depuis la guerre civile. Ce n’était pas là un moment bien choisi pour penser à Dieu. Lui-même me dit qu’il connaissait plus ou moins tous les incrédules qui faisaient partie de la Chambre des représentants, dite Chambre basse, qu’ils se voyaient beaucoup et se fortifiaient réciproquement dans leurs idées par leurs conversations.
Un jour qu’il était en séance à la Chambre des représentants, au milieu de la discussion il eut la conviction que Dieu - ce Dieu en qui il ne croyait pas et dont il niait l’existence - était tout près de lui, pensait à lui et désapprouvait sa conduite à Son égard. Il se dit : « Voilà qui est absurde, parfaitement ridicule. J’ai trop travaillé; je ne suis pas assez sorti; j’ai la tête fatiguée. Je m’en vais faire quelques pas, prendre un peu le frais, et tout de suite je retrouverai mes esprits. »
Ce qu’il fit. Mais la conviction de la présence de Dieu ne fit que devenir plus intense; chaque jour elle s’imposait à lui avec une force plus grande. Des semaines passèrent. Il décida de rentrer chez lui pour s’occuper d’affaires particulières et prendre quelques mesures en vue de sa candidature comme gouverneur de son département. Et, autant que je puis le savoir ou juger de ces matières, les affaires marchaient à merveille; sa candidature prenait corps. Le parti auquel il appartenait avait la majorité, et en général le candidat qu’il choisissait était agréé par le peuple.
Il rentra donc chez lui. A peine eut-il pénétré dans la maison qu’il apprit que sa femme et deux de ses amies s’étaient unies dans la prière pendant des mois et que leur but avait été sa conversion. Immédiatement il pensa à la curieuse expérience qu’il avait faite à Washington et son intérêt fut éveillé. Désirant toutefois ne pas révéler cet intérêt, il demanda négligemment quand avaient commencé ces réunions quotidiennes. Sa femme lui donna la date. Il fit alors un rapide calcul. « J’eus alors, me dit-il, l’intuition immédiate que la date qu’on me donnait devait s’accorder exactement avec le jour où cette conviction de la présence de Dieu se produisit en moi. »
Cette coïncidence le frappa vivement. Homme loyal envers lui-même, il savait que la seule preuve d’un fait de ce genre, la seule preuve d’un tel résultat obtenu par la prière, devait entraîner en lui un changement complet. D’où une lutte intérieure terrible. Avait-il été dans l’erreur durant toute sa vie ? Il retournait la question en tous sens, l’examinant comme un avocat qui veut établir une preuve.
« Comme honnête homme, me dit-il, j’étais obligé d’admettre les faits, aussi aurais-je pu me donner à Christ ce soir même. »
Quelques jours plus tard, il s’agenouillait dans une réunion tenue à l’Eglise méthodiste et abdiquait sa forte volonté devant celle de Dieu. Le désir de son enfance réapparut. Chrétien, il devait prêcher l’Evangile. Et comme Paul, il transforma complètement sa vie. Depuis cette époque, il n’a cessé de prêcher Christ ressuscité.
Voyons maintenant la deuxième phase de cette histoire, le côté intérieur. Nous y trouvons une leçon admirable.
Sa femme était chrétienne depuis des années déjà; sa conversion datait d’avant son mariage. Quelques conférences auxquelles elle assista dans son Eglise l’amenèrent à se donner plus complètement encore à Jésus-Christ et elle retira de cette consécration une nouvelle expérience de la présence et du pouvoir du Saint-Esprit. Elle fut prise d’un intense désir de voir son mari se convertir, et ce désir, elle en fit part à deux amies qui se joignirent à elle dans une prière journalière et persévérante.
Comme elle priait dans sa chambre, ce fameux soir, elle fut prise d’une grande détresse en pensant à son mari et en priant pour lui. Elle était si troublée qu’elle ne trouvait aucun repos; enfin elle se leva, s’agenouilla près de son lit et pria. Comme elle était à genoux, plongée dans la prière, elle entendit en elle une voix qui disait : « Veux-tu en supporter les conséquences ? » Elle tressaillit. Une telle chose était nouvelle pour elle. Elle ne savait ce que cela signifiait. Sans y faire attention, elle se remit à prier. Mais de nouveau la même voix tranquille chuchota à son oreille : « Veux-tu en supporter les conséquences ? » Effrayée, elle se remit au lit pour dormir, mais le sommeil ne vint pas. Et de nouveau elle se mit à genoux, et de nouveau elle entendit cette voix calme et tranquille.
Alors, avec un sérieux qui révélait l’agonie qu’elle traversait, elle s’écria : « Seigneur, je veux supporter toutes les conséquences qui peuvent survenir, si seulement mon mari peut être amené à Toi. » Aussitôt l’angoisse disparut; une douce paix l’envahit et le sommeil ferma ses paupières. Elle pria des semaines, elle pria des mois, patiemment, incessamment, jour après jour.
L’angoisse avait disparu et une douce paix remplissait son âme; elle avait l’assurance que sa supplication serait exaucée.
Quelles furent pour elles les conséquences de cette conversion ? Elle était femme de député; elle allait être, autant qu’on peut en juger, la femme du gouverneur du département, atteindre le haut de l’échelle sociale. Elle est maintenant l’épouse d’un pasteur méthodiste, forcée de changer de demeure tous les trois ou quatre ans, suivant que son mari est appelé dans telle ou telle localité. Quelle différence de situation ! Aucune femme n’est insensible aux différences sociales; toutefois, j’ai rarement vu femme plus belle et plus heureuse, de cette beauté et de ce bonheur que procure la paix de Dieu.
Sentez-vous la simple conclusion qui se dégage de ce récit ? Le consentement de la femme donna à Dieu l’occasion de pénétrer la volonté du mari. Quand le chemin fut libre, sa prière fut une force spirituelle traversant instantanément des centaines de kilomètres et modifiant par sa présence l’atmosphère spirituelle.
Et nous, ne mettrons-nous pas notre volonté en contact avec celle de Dieu ? ne plaiderons-nous pas sans cesse pour ceux que nous aimons ? « Délivre-le du mal, accomplis en lui Ta volonté pour lui, par Ton pouvoir et pour Ta gloire, au nom de Jésus le Vainqueur. » Puis disons : « Amen, ainsi soit-il. » Non pas : « que cela puisse être ainsi; ce n’est pas un désir », mais « ainsi soit-il », c’est-à-dire confiance absolue dans le pouvoir de Jésus-Christ. Et ces vies seront gagnées, ces âmes seront sauvées.
(1)Hayes était candidat républicain à la présidence de 1876; Tilden était candidat démocrate. Une commission électorale nommée à ce sujet eut à trancher le conflit. Hayes fut nommé. Note du traducteur.)
COMMENT JÉSUS PRIAIT
(D)
A : Simple Esquisse
Quand Dieu voulut regagner le monde prodigue, Il envoya un Homme. Cet Homme, quoique plus qu’un homme, affirmait qu’il était vraiment homme. Sur chaque point, il était en contact avec la vie humaine, et aucun homme ne semble avoir mieux compris la prière, ni avoir prié comme il fit. Comment donc pourrions-nous mieux conclure ces entretiens sur la prière qu’en nous groupant autour de sa personne et en étudiant sa manière habituelle de prier ?
Une habitude est un acte répété si souvent qu’on l’accomplit inconsciemment, c’est-à-dire sans qu’une nouvelle décision de l’esprit ait à intervenir.
Jésus priait, il aimait à prier. La prière, parfois, était pour lui un repos. Il priait tellement et si souvent que cet acte devint une partie de sa vie; il priait en quelque sorte comme il respirait.
Il n’y a rien qui nous importe plus que de savoir prier. Nous pouvons nous instruire de deux manières : ou par l’enseignement d’autrui, ou par l’observation. La dernier moyen est le plus simple et le plus sûr. Comment pouvons-nous mieux apprendre à prier qu’en observant Jésus et en essayant de l’imiter ? Non pas en étudiant ce qu’il disait de la prière, si importantes que soient ses déclarations à ce sujet; ni en considérant comment il recevait les requêtes des hommes pendant qu’il était sur la terre, malgré les enseignements que nous pouvons en tirer touchant Son attitude actuelle en face de nos prières; mais en observant comment Lui-même priait, quand il était dans les mêmes circonstances entouré par les mêmes tentations que nous.
Les Evangiles et les Psaumes sont les deux parties de la Bible auxquelles nous nous adresserons immédiatement pour obtenir la lumière. Dans les Evangiles, nous sommes mis en présence du côté extérieur des habitudes de prière de Jésus, et, dans certains Psaumes, nous avons quelques aperçus du côté intérieur; ils sont peu nombreux, mais positifs.
Si nous prenons d’abord les Evangiles, nous y trouvons comme une esquisse de la manière de prier de Jésus. Cette esquisse est faite en quelques coups de plume, une ligne ici, une ligne là; il suffit parfois d’un seul mot ajouté par un écrivain au récit des autres pour mettre graduellement en lumière les traits d’une personne solitaire, les yeux levés au Ciel.
Parmi les quinze mentions que les Evangiles font de la prière de Jésus, il est intéressant de noter que Matthieu en donne trois, Marc et Jean chacun quatre; c’est Luc, le compagnon et l’ami de Paul qui nous fournit les plus nombreux renseignements.
Pour le dire en passant, cela n’explique-t-il pas cette autre esquisse que nous distinguons nettement dans les épîtres de Paul et où l’apôtre nous révèle sa magnifique vie de prière ?
Matthieu, plongé dans les textes hébreux, parle aux Juifs du roi davidique qui leur a été promis. Marc, à la plume rapide, transmet l’activité incessante du Christ, cet admirable serviteur du Père. Jean dépeint le Fils de Dieu venant porter à la terre un message d’En-Haut; puis il nous Le montre quittant la terre et retournant dans la demeure paternelle. Luc, par contre, insiste sur le côté humain de Jésus-Homme, Jésus, un des nôtres. Et le Saint-Esprit, au travers de tout le récit de Luc, nous fait sentir que l’Homme-Jésus priait, qu’il priait beaucoup, qu’il avait besoin de prier, qu’il aimait à prier.
Et nous, vivant sur la terre, envoyés dans le monde avec la même mission que celle qu’il reçut de son Père, dans le même champ d’activité, pour combattre le même ennemi, dotés de la même force que donne le Saint-Esprit, ne comprendrons-nous pas que notre force consiste à vivre dans le plus étroit contact avec Celui qui nous a envoyés, et complètement à l’écart du monde ?
B : Coup d’œil révélateur sur la vie de prière de Jésus
Examinons rapidement, dans l’ordre chronologique, ces quinze mentions fournies par les évangélistes.
La première se trouve dans Luc : 3. Les trois autres Evangiles nous parlent du baptême de Jésus, mais c’est Luc qui ajoute « pendant qu’il priait. » Ce fut pendant qu’il priait qu’il reçut le don du Saint-Esprit. Il n’osait pas commencer sa mission publique sans cette onction qui avait été promise dans les écrits prophétiques. Maintenant il est dans les eaux du Jourdain; il attend et il prie jusqu’à ce que le ciel s’ouvre et que l’Esprit descende sur lui, sous forme d’une colombe, pour habiter en lui. La prière est une source de pouvoir; elle est elle-même une puissance. Lorsqu’on prie, on est fort. Prier, c’est entrer dans une telle union avec le Divin, que sa puissance, comme un courant électrique, puisse arriver jusqu’à nous sans perte et sans interruption.
La deuxième mention est faite par Marc, au chapitre premier. Luc , au chapitre quatre, fait allusion au même fait. « Dès que le jour parut, il sortit et alla dans un lieu désert. » Marc, plus explicite, nous dit au verset : 35 : « Vers le matin, pendant qu’il faisait encore très sombre, il se leva, et sortit pour aller dans un lieu désert, où il pria. » Il avait passé toute la journée précédente dans la ville qu’il affectionnait particulièrement, à Capernaüm. Il avait été occupé tout le jour au service de son Père, enseignant dans la synagogue et guérissant un démoniaque qui l’avait interrompu; puis il avait guéri la belle-mère de Pierre, et le soir on lui avait amené tous les malades et les démoniaques. Pendant une partie de la nuit, en passant au milieu d’eux, en les touchant simplement, il avait guéri ceux qui souffraient et délivré les possédés. Journée remplie et harassante s’il en fut.
A sa place, après une pareille journée, nous aurions ressenti le besoin de prolonger notre sommeil, car enfin il faut se reposer. Mais Jésus semble avoir eu, en plus du sommeil, un autre moyen de se reposer. Cette nuit-là, il occupait probablement la chambre d’ami dans la demeure de Pierre et la maison se réveilla à l’heure habituelle. Le déjeuner fut préparé, mais on attendit pour se mettre à table que le Maître parût. Au bout de quelques minutes, la servante se rendit à la chambre de l’hôte et heurta légèrement. Pas de réponse. Elle heurta de nouveau et enfin entrouvrit la porte ... et trouva la chambre inoccupée, « Où est donc le Maître ? dit-elle - Je crois que je le sais, répondit Pierre. J’ai remarqué que souvent il sortait le matin pour gagner quelque endroit tranquille où il peut être seul. » Pierre et ceux qui étaient avec lui se mirent alors à sa recherche, car déjà toute une foule affamée de miracles remplissait la rue. Ils le cherchèrent donc ici et là, au flanc des collines, dans les bosquets d’arbres, et finirent par le découvrir priant avec calme dans la tranquillité. Ecoutez alors le cri impatient de Pierre : « Maître, la foule est grande, et tous te réclament », et mettez en opposition la réponse nette et calme du Maître : « Allons ailleurs, dans les bourgades voisines, afin que j’y prêche aussi; car c’est pour cela que je suis venu. » Il eût été plus facile de retourner à Capernaüm et d’avoir de nouveau affaire à la foule du jour précédent, que d’affronter le scepticisme de localités nouvelles; mais, pour Jésus, il n’y a aucun doute sur ce qui doit être fait. La prière éclaircit merveilleusement la vision; elle raffermit les nerfs; elle définit le devoir; elle renforce la volonté; elle assouplit et fortifie l’esprit. Plus ses journées étaient chargées, et plus il était fidèle au rendez-vous qu’il avait avec Dieu le jour suivant; plus son départ pour cette rencontre avec son Père était matinal, plus il dépensait de force, plus il laissait rayonner de puissance, et plus aussi il devait passer de temps seul à seul avec Celui de qui découle toute puissance.
Nous trouvons la troisième mention de la vie de prière de Jésus dans Luc : 5. C’est peu de temps après la scène que nous venons de décrire, et peut-être lors de ce voyage dont Jésus parlait à Pierre. Dans une de ces nombreuses bourgades galiléennes, ému de cette compassion qui remplissait toujours son cœur, il avait guéri un cas avancé de lèpre, et le malade, sans s’occuper de l’ordre exprès qu’il avait reçu de Jésus, avait si largement publié sa guérison miraculeuse, que de grandes foules barraient le chemin à Jésus. Il résolut alors de se rendre dans la campagne. La multitude qui remplissait le village l’y suivit. Voyez maintenant ce que le Maître faisait : il se retirait dans les déserts et priait. Cette parole n’indique pas un acte isolé, mais une action habituelle, pratiquée des jours et des semaines durant. Obligé à cause de l’immensité de la foule de se retirer dans la solitude et, malgré ses efforts, poursuivi jusque dans sa retraite, il avait moins l’occasion d’être seul; il en ressentait toutefois un impérieux besoin; aussi, pendant que patiemment il continue son admirable travail, il recherche chaque occasion d’échapper de temps à autre à la foule et de prier.
Comme sa vie ressemblait à la nôtre ! Sollicités par nos devoirs, par notre activité, par les besoins de ceux qui nous entourent, nous sommes fortement tentés de consacrer peu de temps à la méditation. « Cet ouvrage doit être fait, pensons-nous, bien que parfois il trouble et agite les minutes que nous donnons à la prière ». – Non ! Proclame l’expérience du Maître. Non, ne mettez pas le travail à la première place, comptant sur la prière pour le bénir mais placez d’abord la prière : notre activité bénie d’avance par la prière n’en acquerra que plus de force. Plus le monde extérieur cherchait à envahir sa vie privée, et plus Jésus défendait l’heure de sa prière et le calme de son âme. Plus son esprit était tendu, et plus il donnait de temps à une prière que rien ne venait troubler.
Luc nous fournit la quatrième allusion; au chapitre : 6, verset : 12 : « En ce temps-là, Jésus se rendit sur la montagne pour prier, et il passa toute la nuit à prier Dieu ». Ceci se passe environ au milieu de la seconde année de son ministère. Il venait de faire des expériences décevantes avec les chefs spirituels de la Judée qui épiaient ses pas, critiquaient ses actes et jetaient des semences de scepticisme chez les Galiléens, gens à l’esprit simple et absolu. C’est le jour qui précède le choix des douze disciples et le Sermon sur la montagne. Luc ne nous dit pas que Jésus avait l’intention de passer toute la nuit en prière. L’esprit fatigué par les traits incessants et la haine infatigable de ses ennemis, pensant au travail si sérieux qui l’attendait le jour suivant, il sentit qu’il n’avait qu’une chose à faire. Il savait où trouver le repos, une douce compagnie, une présence apaisante et un sage conseil. Dirigeant ses pas vers le nord, il rechercha la solitude de la montagne pour y méditer et pour prier. Et comme il priait, comme il écoutait et parlait sans même ouvrir les lèvres, la lumière du jour fit place au crépuscule et bientôt les étoiles brillantes de l’Orient s’allumèrent. Et toujours il priait, pendant qu’à ses pieds l’ombre s’épaississait et qu’au-dessus de sa tête le bleu du ciel devenait plus intense; le calme bienfaisant de Dieu enveloppa la nature et remplit l’âme du Christ d’une paix profonde. Fasciné par la présence adorable de son Père, il perdit toute notion de la fuite des heures, mais pria, pria jusqu’à ce que peu à peu la nuit fût écoulée. L’Orient s’empourpra, le sol de la Palestine, parfumé de la rosée d’une nuit orientale, se réchauffa au soleil renaissant. Et alors « quand le jour parut » - c’est ainsi que continue le récit - « Il appela ses disciples et il en choisit douze; il descendit avec eux et s’arrêta dans une plaine où se trouvait une foule d’autres disciples et une multitude de gens ... et il les guérissait ... et il les enseignait ... car une force, sortait de lui ». Y a-t-il là quelque chose d’étonnant après cette veillée d’armes ? Si nos émotions, si nos inquiétudes étaient suivies de prière, si nos décisions et nos paroles étaient précédées d’une calme prière, quel pouvoir sortirait également de nous ! Car il n’y a pas de différence entre ce qu’il était dans ce monde et ce que nous sommes.
La cinquième mention d’une prière de Jésus se trouve dans Matthieu : 4 et Marc : 6. Jean y fait allusion au chapitre sixième de son Evangile. C’était au début de la dernière aimée de son ministère. Lui et ses disciples avaient été très occupés par les foules incessantes qui se groupaient autour d’eux. Ils venaient d’apprendre la fin tragique du Précurseur. Un repos physique s’imposait dans ces circonstances, aussi bien qu’un temps de calme, pour réfléchir aux obstacles que dressait l’opposition, alors à son apogée. Montant dans un bateau, ils se dirigèrent vers la rive est du lac. Mais la foule avide surveillait leurs mouvements et reconnaissant la direction qu’ils avaient prise, ils contournèrent le lac, coururent littéralement après eux et même les devancèrent. Quand Jésus sortit de la barque, comptant prendre ce repos si nécessaire, il y avait là sur la rive des milliers d’hommes qui l’attendaient.
Les disciples manifestèrent-ils quelque impatience en voyant qu’ils ne pouvaient pas même avoir un moment de repos ? C’est fort probable et nous pouvons le présumer. Mais Jésus « fut ému de compassion » et, tout fatigué qu’il fût, il passa patiemment toute la journée à enseigner, et le soir, quand les disciples proposèrent de renvoyer la foule à cause du manque de nourriture, à l’aide de quelques pains et de quelques poissons il rassasia cette foule de cinq mille personnes et plus.
Il n’y a rien qui ait frappé davantage les peuples de tout temps et de tout pays que cette puissance de fournir des vivres en abondance. Des milliers de gens s’endorment chaque soir ayant faim; c’était le cas ce jour-là. Aussitôt un fort courant populaire se dessina dans cette multitude; ils voulaient mettre à leur tête ce chef admirable et secouer le joug des Romains. Ils pensaient que si seulement Jésus consentait, le succès était sûr.
Cette manifestation ne se rapproche-t-elle pas étonnamment des propositions que Satan lui avait faites dans le désert ? C’était bien une tentation, alors même qu’elle ne trouvait aucun écho en lui. Avec l’influence étonnante que sa présence exerçait parfois, il calma le mouvement et força (1) les disciples à monter dans la barque et à passer avant lui de l’autre côté pendant qu’il renvoyait la foule.
« Quand il l’eut renvoyée, il s’en alla sur la montagne et continua de prier jusqu’au matin. » Une seconde nuit passée en prière ! Fatigué physiquement, l’esprit frémissant à l’approche d’un événement qu’il pressentait déjà, sa mort tragique, il a de nouveau recours au remède infaillible : la solitude et la prière. C’est par elles en effet qu’il surmonte toutes les difficultés, triomphe des tentations et pare à tous les besoins. Combien nous, ses disciples d’aujourd’hui nous nous rendons peu compte du temps que consacrait à la prière cet Homme qui la comprenait et la pratiquait si bien !
(1) Ce mot énergique n’indiquerait-il pas qu’il y a peut-être eu une entente entre les disciples et les chefs révolutionnaires.
C : Dans l’ombre grandissante
Nous comprendrons probablement mieux les autres exemples de prière que nous allons citer, si nous nous souvenons que Jésus est maintenant dans la deuxième année de son ministère, et que ses rapports avec les chefs du peuple ont atteint cet état aigu qui précède la rupture finale. L’ombre terrible de la croix assombrit toujours plus son chemin; la haine du diable croît, elle aussi, de plus en plus en intensité. Les qualités nécessaires pour être un de ses disciples sont mises en relief par les circonstances; l’incapacité de la foule, de ses disciples et d’autres gens encore, à le comprendre, apparaît clairement. Beaucoup de ceux qui s’étaient donnés à lui reculent maintenant, et Jésus s’efforce de trouver plus de temps pour entretenir les douze. Nous le voyons se rendre dans des lieux éloignés du centre de la vie juive et même franchir les frontières du pays avoisinant. Les épreuves et les expériences à venir - et spécialement la scène qui aura pour théâtre une petite colline hors des murs de Jérusalem - semblent ne pas quitter ses pensées.
Le sixième passage nous est fourni par Luc : 9. Jésus et ses disciples sont dans le nord du pays, dans les environs de la ville romaine de Césarée. « Un jour que Jésus priait à l’écart, ayant avec lui ses disciples ... » A l’écart, c’est-à-dire loin de la foule curieuse. Il semble que Jésus veuille rendre plus intime le contact entre sa vie intérieure et celle des douze. Il semble aussi qu’il ait voulu essayer de leur communiquer ce même amour pour la solitude et la prière qui remplissait son cœur. Peut-être aussi qu’il voulait simplement accroître cette belle et profonde camaraderie qu’il avait inaugurée avec ses disciples. Il prenait plaisir à l’amitié sincère, telle que la pratiquaient Pierre, Jacques et Jean, Marthe et Marie, et d’autres encore. Or, il n’y a pas d’amitié qui puisse se comparer à l’union dans la prière.
« Il est une place où les esprits s’unissent, - Où l’ami s’unit à son ami; - Une place plus que tout autre propice. - C’est le jardin de la miséricorde - Qui fut acheté au prix du sang. »
La septième allusion se trouve au même chapitre : 9 et mentionne une troisième nuit de prière. Matthieu et Marc parlent aussi de la transfiguration, mais c’est Luc qui nous déclare que Jésus monta sur la montagne pour prier et que ce fut comme il priait que l’aspect de son visage changea. Sans nous arrêter à étudier le but de cette merveilleuse manifestation de sa gloire divine à ces trois disciples seuls, à l’heure où l’abandon et la haine se faisaient le plus sentir, qu’il nous suffise de noter que ce changement se produisit pendant qu’il priait. Transfiguré pendant qu’il priait. Et, à ses côtés, se tenaient Moïse et Elie, qui, des siècles auparavant, avaient passé des heures nombreuses seuls avec Dieu. La glorieuse lumière qui émanait de la présence de Dieu transfigurait son visage, sans qu’il en fût conscient. Transfiguré par le contact avec Dieu! Nous, à qui le Maître a di t: « Suis-moi », n’irons-nous pas aussi avec Lui et Sa divine parole, le visage découvert, c’est-à-dire l’esprit dégagé des préjugés et de l’égoïsme, pour que, contemplant dans un miroir la gloire de Sa face, nous soyons de plus en plus transformés en la même image. (2 Corinthiens : 3 / 18)
Nous trouvons la huitième mention dans Luc : 10. Jésus avait choisi un certain nombre de disciples et les avait envoyés deux à deux dans tous les lieux où lui-même devait aller. Ils étaient revenus avec de joyeuses nouvelles, parlant du pouvoir qui les avait assistés dans leur travail. Se tenant au milieu d’eux, le cœur débordant de joie, il leva les yeux comme s’il voyait la face du Père et il manifesta l’allégresse qui remplissait son âme. Il paraissait être toujours conscient de la présence paternelle et pour lui c’était chose toute naturelle que de Lui parler. Ils étaient toujours assez proches pour s’entretenir et leur entretien n’avait pas de fin.
La neuvième mention est contenue dans le onzième chapitre de Luc; elle ressemble beaucoup à la sixième : « Jésus priait un jour en un certain lieu. Lorsqu’il eut achevé, un de ses disciples lui dit : «Seigneur, enseigne-nous à prier. » Ses disciples, sans doute étaient des hommes de prière, et Jésus avait dû les en entretenir souvent. Mais, remarquant quelle place considérable la méditation occupait dans la vie de leur Maître et quels merveilleux résultats en étaient la conséquence, le fait qu’il y avait dans la prière un pouvoir extraordinaire, un secret important dont ils étaient ignorants, s’imposa à eux avec force. Ils pensèrent qu’ils ne savaient vraiment pas comment il fallait prier; d’où leur demande. Cette requête, plus que toute autre, dut réjouir Jésus. Enfin, ils prenaient conscience du pouvoir secret caché dans la prière.
Puisse cette simple revue des prières de Jésus avoir le même effet sur chacun de nous, nous pousser à rechercher la solitude avec Dieu et à Lui faire cette même sérieuse demande. Le premier pas pour apprendre à prier est de s’écrier : « Seigneur, enseigne-moi à prier. » Et qui mieux que Lui pourra nous l’enseigner ?
Le dixième passage se trouve dans Jean : 11; c’est la deuxième des quatre supplications instantes de Jésus. Toute une société est réunie près du village de Béthanie, au bord d’une tombe dans laquelle, depuis quatre jours, repose le corps d’un jeune homme. Marie est présente; elle pleure. Marthe est là aussi, maîtrisant son émotion. Elles sont entourées de quelques amis personnels, d’habitants du village et de connaissances venues de Jérusalem. Sur l’ordre de Jésus, après quelques hésitations, la pierre de la tombe est roulée de côté. Et Jésus, levant les yeux, s’écrie : « Père, je te rends grâce de ce que tu m’as exaucé. Pour moi, je savais que tu m’exauces toujours; mais je parle ainsi à cause de la foule qui m’entoure, afin qu’ils croient que c’est toi qui m’as envoyé. » Avant de se rendre à la tombe, Jésus, évidemment, avait prié en secret pour la résurrection de Lazare, et ce qui suivit lut la réponse à sa supplication.
Comme ce fait rend manifeste que le merveilleux pouvoir révélé dans la brève carrière du Christ eut pour source la prière !
Quelle liaison extraordinaire entre sa vie active, universellement admirée, alors et depuis, et sa vie intérieure dont nous n’avons que des lueurs passagères ! Le plus grand pouvoir confié à l’homme est sans contredit celui de la prière. Mais combien parmi nous sont infidèles à la confiance qui leur est témoignée, en n’utilisant pas ce pouvoir étrange placé entre leurs mains.
Remarquez aussi l’entière confiance de Jésus en Dieu qui écoute sa prière : « Je te rends grâces de ce que tu m’as exaucé. » Rien de visible n’étayait cette certitude. Au contraire, car le corps était dans la tombe depuis quatre jours déjà. Mais Jésus était confiant, comme voyant Celui qui est invisible. La foi est aveugle aux choses de la terre; elle ne peut voir que le ciel. Elle est aveugle aux impossibilités et sourde au paroles de doute. Elle n’écoute que Dieu; elle ne voit que Sa puissance et agit en conséquence. La foi ne consiste pas à croire que Dieu peut, mais qu’il veut. Une telle foi ne peut résulter que d’une union constante avec le Père, et sa source c’est la chambre close, le temps mis à part, la Bible; de plus, il faut une oreille attentive et un cœur apaisé pour l’amener à son développement.
Le douzième chapitre de Jean nous donne la onzième mention. Deux ou trois jours avant le fatal vendredi, quelques Grecs, venus pour assister à la Pâque juive, recherchèrent une entrevue avec Jésus. Cette démarche semble avoir évoqué en lui une vision du monde des Gentils pour lequel son cœur brûlait si vivement et qui venaient à lui pour obtenir ce que lui seul, pouvait donner. Au même instant, une autre vision, lugubre celle-là, traversa la première, une vision qui n’était jamais absente de ses pensées, celle de la croix. Reculant d’horreur devant elle, sachant toutefois que la première ne pouvait se réaliser que grâce à cette suprême épreuve, il s’écrie, oubliant pour un moment ceux qui l’entouraient, se parlant à lui-même : « Maintenant mon âme est troublée. Et que dirai-je ? ... Père, délivre-moi de cette heure ! ... Mais c’est pour cela que je suis venu jusqu’à cette heure; voici ce que je dirai » - et ici le conflit intense qui se livrait dans son âme se termine par la complète victoire de sa volonté soumise - « Père, glorifie ton nom ! » Et aussitôt que la prière fut prononcée, une voix vint du ciel : « Je l’ai glorifié et le glorifierai encore. » Comme le Ciel doit être près de nous ! Comme le Père entend rapidement! Il doit être sans cesse attentif à nos prières, impatient de saisir fût-ce le plus faible murmure qui s’échappe de nos lèvres.
Les spectateurs de cette scène, assourdis par les bruits de la terre, inaccoutumés à entendre les voix célestes, ne purent rien comprendre du tout, mais Lui avait une oreille exercée.
Esaïe : 50 / 4 (passage éminemment prophétique) nous suggère comment il se fait que Jésus pouvait comprendre cette voix si facilement et si rapidement : « Il éveille, chaque matin, Il éveille mon oreille, pour que j’écoute comme écoutent les disciples. »
Pour prier, il est aussi nécessaire de savoir entendre que de savoir parler. Pour l’un comme pour l’autre, l’entretien matinal avec Dieu est chose essentielle.