Le voyage de Marie La Cotte

(Par Mr le Pasteur Wasso Ferret)

 

Le voyage de Marie La Cotte

J'ai envie de vous raconter une belle histoire tzigane, qui évoque un peu celle de Noël. Cette histoie n'est pas un conte, puisqu'elle est tirée d'évènements authentiques. La trame abrupte, fournie par un acte de naissance avare de commentaires, de même qu'un document religieux de baptême, qui m'ont été communiqués par des membres de notre famille en recherche de sa généalogie, me motivent à prendre la liberté d'imaginer et de commenter un compléments de détails sur les évènements et les circonstances, afin de donner à l'histoire une trame suivie. Certains me reprocheront peut-être d'avoir un peu trop romancé les détails, mais qu'importe, il est permis de rêver parfois sans pour autant se trouver obligatoirement loin de la réalité.

Je dédie cette histoire à toute ma famille, puis à tous ceux qui, de près ou de loin, se situent dans la descendance de celui que l'on nommait Jean DUVILLE né à Liège en Belgique autour de l'an 1770. Et après eux, à tous nos amis qui aiment Jésus-Christ, et qui aiment les Gitans.

Nous sommes en l'an 1793, le deuxième de la république Française et 4 ans après la révolution de 1789. Le 21 janvier de cette même année, le roi Louis XVI venait d'être exécuté par les membres de l'insurrection. Les royalistes espéraient toujours reprendre le pouvoir et leurs privilèges de bourgeois, et les citoyens républicains conserver et affermir le pouvoir de la nouvelle République Française. Les campagnes sont peu sûres à cause des brigandages, les routes sont désertes et dangereuses, les paysans vivent dans le plus grand dénuement, et la famine fait des ravages dans plusieurs secteurs du pays. Cette même année, le tout jeune général Napoléon Bonaparte, commence seulement à faire parler de lui, grâce à son génie et à son bon sens des affaires de la guerre.

L'hiver avait été rude, et le froid encore intense de ce mois d'avril n'en finit plus de s'attarder sur une grande partie de la vallée alsacienne jusqu'aux confins de la Lorraine. Un petit cheval tirant une misérabe carriole semblait errer en cherchant tant bien que mal son chemin, que la neige recouvre encore en certains endroits, s'attarde aussi sur les collines des Vosges toutes proches.

Une jeune femme assise à l'avant de la carriole, emmitouflée dans un vieux manteau râpé, la tête couverte d'un fichu, transie de froid, tentait de joindre un village où elle pourrait trouver un abri pour la nuit, et y vendre les quelques paniers qu'elle avait dans sa charrette.

D'où venait-elle donc ? Avait-elle traversé les cols dangereux des Vosges ? Venait-elle de Mulhouse, ou bien peut-être de sa région natale de Clermont Ferrand ?

Toujours est-il qu'elle est toute proche d'un paisible village de mineurs de Sainte Croix aux Mines, dans le Bas Rhin, qu'elle cherche à atteindre avant la nuit. 

Il faut dire qu'elle avait eu beaucoup de courage pour entreprendre toute seule un tel voyage afin de rejoinde son mari, soldat dans le dixième régiment d'infanterie cantonné à Wissembourg.

Qui était donc cette jeune femme si téméraire pour oser voyager seule dans ces campagnes hostiles ? C'était une tzigane âgée de 24 ans, elle se nommait Marie La Cotte. Avec son mari, elle savait tresser de belles corbeilles et des paniers qu'elle allait vendre dans les campagnes et les villages. Mais la nuit allait bientôt tomber, et il fallait que notre courageuse voyageuse puisse trouver rapidement un endroit pour se ravitailler, un abri et du fourrage pour son vaillant petit cheval, lui-même exténué par la longue route qui avait commencé tôt ce matin-là.

Ouf ! se dit Marie, voici enfin le village, j'aperçois le clocher de son église.

Il était temps, car le jour tombait rapidement. Elle se dirigea vers le centre du village, où la fontaine était encore en partie encombrée de glace. Son petit cheval s'abreuva longuement et à grands traits. Les lampes s'allumaient déjà aux fenêtres des maisons.

Les enfants qui sortaient de l'école toute proche entouraient maintenant cette étrange femme avec sa charrette. Quelques-uns des enfants se mirent à caresser le petit cheval, d'autres riaient et se moquaient de l'étrangère, les passants s'arrêtaient et parlaient entre eux en désignant la voyageuse et son étrange attirail.

Mais Marie ne se laissa pas intimider, et après avoir mené sa charrette tout près de l'église, elle détela son cheval et l'attacha à l'une des roues de l'attelage, puis se dirigea vers la seule auberge sur la place du village.

Dans la salle de l'auberge, les hommes étaient attablés en fumant leurs pipes et en buvant leurs énormes chopes de bière. Au centre ronflait un grand poêle. Marie s'installa tout à côté pour se réchauffer.

L'aubergiste qui s'appelait Jean-Baptiste Marquant et son épouse Marguerite, regardaient cette jeune étrangère avec curiosité. Elle était grande, mystérieuse avec ses grands yeux noirs, ses longs cheveux tombant sur sa taille, et son visage de poupée de porcelaine. Une bien belle fille, ma foi ! se disaient tout bas ceux qui la dévisageaient, sans oser pour autant lui poser de questions, voyant la fatigue et l'épuisement qui se lisaient sur son visage.

Marguerite, l'épouse de l'aubergiste, la cinquantaine bien marquée, était une femme de poids, avec des épaules au carré, et qui avait su faire depuis des années la réputation de son auberge et de sa cuisine. Elle se dirigea vers Marie la jeune tzigane, osa lui prendre les mains dans les siennes comme pour la rassurer et lui dit : je vais vous apporter une bonne soupe chaude, puis se penchant près de son oreille, elle lui dit tout bas : c'est pour bientôt n'est-ce pas ? Marie hocha la tête pour confirmer. En effet, elle attendait la naissance imminente d'un bébé. Après lui avoir apporté la soupe chaude, Marguerite vint s'asseoir auprès de Marie pour converser amicalement avec elle : D'où venez-vous donc ainsi, où est donc votre mari, et où allez-vous ?

Marie la tzigane lui dit : Je viens de très loin, voici plusieurs semaines que je suis en route pour aller rejoindre mon mari Jean Duville, qui est actuellement soldat au 10ème régiment d'infanterie cantonné à Wissembourg.

-Vous êtes bien courageuse, petite ! Où dormirez-vous ce soir ?

-J'espère trouver un abri pour la nuit, car je dors habituellement dans ma charrette depuis plusieurs semaines. Ma charrette est auprès de l'église avec mon cheval, je transporte quelques marchandises que je vends dans les campagnes pour me permettre de vivre et de voyager.

Marguerite se tourna alors vers son mari Jean-Baptiste, qui tout en servant les derniers clients, observait les deux femmes du coin de l'oeil.

Il semblait embarrassé par la présence de cette visiteuse imprévue, mais devinait dans le regard de son épouse ce qu'elle était en train de lui demander. Il fit un signe de la tête comme pour lui dire : fais ce que tu veux ! Marguerite dit alors à sa protégée : Je n'ai plus de chambres pour vous loger, mais il reste encore un peu de place au bout de l'étable, où les clients de l'auberge ont mis leurs chevaux pour la nuit. Il y a aussi du foin, vous pourrez y installer votre cheval et votre charrette, là vous pourrez dormir à l'abri en toute sécurité. Marie la remercia mais lui dit qu'elle n'aurait pas de quoi payer, sauf si elle accepterait deux beaux paniers qu'elle même avait tressés. Nous verrons tout cela demain, pour l'instant allez vous reposer ! lui répondit la brave aubergiste. Marie, réconfortée, alla chercher son attelage, et vint s'installer au fond de la grange. Elle donna du foin à son cheval, tout en caressant son encolure et son front comme pour le remercier, puis elle fit son lit dans le foin en se couvrant de son vieux manteau. La journée avait été rude. Marie entendait le vent souffler dehors, elle se sentait malgré tout à l'abri. Les chevaux renâclaient de temps à autre tout en continuant de manger. Ces bruits familiers donnaient à Marie un sentiment de sécurité propice au sommeil, et elle s'endormit profondément. A cet instant, Marguerite vint lui apporter une couverture, mais la voyant déjà endormie, elle la regarda un moment avec compassion, puis la couvrit doucement, et se retira sur la pointe des pieds.

Le jour était à peine levé, que la femme de l'aubergiste était déjà à ses fourneaux, et vaquait à ses occupaions habituelles. Des gens venaient pour récupérer leurs montures, tandis que les coqs s'égosillaient depuis un certain temps déjà dans leur poulailler. Marie s'éveilla, mais lorsqu'elle voulut se lever, elle sentît que le moment était venu pour elle, car son bébé allait naître incessamment, alors elle décida de rester couchée.

Marguerite la tenancière de l'auberge, se souvenant de la jeune tzigane au fond de la grange, vint pour la voir : elle comprit de suite la situation, mais où trouver une personne compétente pour venir aider cette jeune femme dans une telle situation ?

Elle alla en informer son mari Jean-Baptiste Marquant, qui partit aussitôt quérir une personnalité du village qui s'appelait Elisabeth, puis l'attente commença. Enfin, en ce jour du 6 mai 1793 vers onze heures du matin, on entendit les premiers cris de l'enfant. C'était un beau petit garçon. Quelques jours plus tard, l'enfant fut présenté à un ministre du culte dans le village, et l'aubergiste et son épouse furent parrain et marraine. Le petit Duville reçut le prénom de son parrain Jean-Baptiste.

Quelques jours plus tard, Marie la tzigane estima qu'il était temps pour elle de reprendre la route. Après avoir chaleureusement remercié ceux qui l'avaient hébergée et secourue, elle proposa de laisser des marchandises pour payer, mais Marguerite ne voulut point être payée. Qelle belle leçon d'accueil de l'étranger qui a droit à notre compassion : Lévitique : 19 / 34 : "Tu aimeras l'étranger comme toi-même" "Tu ne maltraiteras pas l'étranger, et tu ne l'opprimeras point " Exode : 22 / 21 : "Tu soutiendras l'étranger". Marie emmitoufla du mieux qu'elle put son bébé, puis heureuse de retrouver son vaillant petit cheval et sa charrette avec ses paniers, elle reprit la longue route qui devait la mener auprès de son époux à Wissembourg sur la frontière de l'Allemagne, où elle arriva une semaine plus tard. Bien qu'épuisée, elle était néanmoins heureuse à la pensée qu'elle verrait bientôt son mari Jean Duville. Le temps s'était adouci, sur les rives du Rhin, et les fleurs et les oiseaux indiquaient à Marie que le printemps qui avait boudé jusque là, était désormais au rendez-vous. Arrivée devant la garnison, elle demanda au commandant l'autorisation de voir son mari. On la fit entrer dans une salle qui servait d'administration : là, un grand poêle chauffait encore la pièce, et un soldat la pria de s'asseoir sur une banquette près du poêle. Elle posa son enfant enveloppé dans un manteau sur la banquette, puis se mit à attendre des minutes qui lui semblaient interminables.

Enfin la porte s'ouvrit, Jean Duville était là devant elle, il était grand, et magnifique avec sa belle barbe noire et son uniforme militaire.

Elle se jeta dans les bras de son mari. Ses longs cheveux noirs libérés de leur fichu, lui retombaient sur la taille. Tous deux émus, restèrent longtemps dans les bras l'un et l'autre. C'est alors que l'enfant sur la banquette se mit à pleurer. Dans le regard de la jeune femme brillait un éclair de joie, elle prit son bébé et le mit dans les bras de son père. Celui-ci se mit à examiner son fils avec un grand sérieux, mais dans ses yeux on pouvait deviner une grande fierté,

-Il s'appelle Jean-Baptiste, lui dit Marie.

Alors, le levant à bout de bras, son père cria : "Salut petit Jean-Baptiste Duville !"

Marie qui observait la scène, était tellement fière et heureuse, que les difficultés de sa longue route étaient oubliées, et seul le présent comptait maintenant. Quelques mois plus tard, Jean Duville fut rendu à la vie civile, et reprit avec son épouse Marie sa vie habituelle sur les routes et les campagnes.

Si ma modeste histoire s'achève ici, elle m'a néanmoins rappelé une autre naissance, voici un peu plus de deux mille ans. Marie, la fiancée de Joseph était enceinte, et tous deux quittaient leur village de Nazareth en Galilée, pour se rendre dans une petite bourgade du nom de Bethléem en terre de Judée, afin de satisfaire aux contraintes administratives d'un recensement de la population. Comme il n'y avait pas de place à l'auberge de Bethléem pour les accueillir, le couple dut se replier dans l'une des crèches à proximité pour se mettre à l'abri.

Évangile de Luc : 2 : Le sauveur du monde allait naître à Bethléem, après un long et pénible voyage. "Le temps où Marie devait accoucher arriva, et elle mit au monde son fils premier-né, elle l'emmaillota et le coucha dans une crèche, parce qu'il n'y avait pas de place pour eux dans l'hôtellerie".

Jésus-Christ, l'enfant de Bethléem était la véritable lumière qui, en venant dans le monde, éclaire tout homme. Elle était dans le monde, et le monde a été fait par elle, et le monde ne l'a point connue. Elle est venue chez les siens, et les siens ne l'ont point reçue. Mais à tous ceux qui l'ont reçue, à ceux qui croient en son nom, elle a donné le pouvoir de devenir enfants de Dieu, lesquels sont nés, non du sang, ni de la volonté de la chair, ni de la volonté de l'homme, mais de Dieu.

Cette parole a été faite chair, et elle a habité parmi nous, pleine de grâce et de vérité; et nous avons contemplé sa gloire, une gloire comme la gloire du Fils unique venu du Père. Évangile de Jean : 1 / 1-18.

A cette occasion, les anges se sont dérangés du ciel pour annoncer cette bonne nouvelle aux humbles bergers de la contrée qui passaient dans les champs les veilles de la nuit pour garder leurs troupeaux. Un ange du Seigeur leur apparut, et la gloire du Seigneur resplendit autour d'eux. Ils furent saisis d'une grande frayeur, mais l'ange leur dit : Ne craignez point; car je vous annonce une bonne nouvelle, qui sera pour tout le peuple le sujet d'une grande joie : c'est qu'aujourd'hui, dans la ville de David, il vous est né un Sauveur, qui est le Christ, le Seigneur. Et voici à quel signe vous le reconnaîtrez : vous trouverez un enfant emmailloté et couché dans une crèche. Et soudain, il se joignit à l'ange une multitude de l'armée céleste, louant Dieu et disant : Gloire à Dieu dans les lieux très hauts, et paix sur la terre parmi les hommes qu'il agrée !

Tous les hommes peuvent maintenant s'approcher de Dieu pour recevoir la vie éternelle gratuitement, car Jésus notre Sauveur est né, il a vécu, il a été crucifié pour nos péchés, sa résurrection est aussi la promesse de la résurrection de tous ceux qui croient en lui. Son ascension est la certitude qu'il viendra très bientôt pour nous emmener avec lui là-haut.

Ami, as-tu mis ta vie aux pieds de ce glorieux et unique sauveur ? Si tu ne l'as pas encore fait, alors fais-le vite, et tu auras toi aussi la vie éternelle. Cette vie éternelle ne consiste pas uniquement dans une confession intellectuel de l'évangile de la grâce, mais aussi dans une expérience de ce que Jésus appelait :

"La nouvelle naissance"

Pasteur Wasso FERRET

 
 



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