La marche de la honte

(Par Mr le Pasteur René Zanellato) 

 

ROUMANIE

ou l’histoire des souffrances d’un peuple

 

 1.    LA TRISTE PERIODE DE L’ESCLAVAGE

 

        Pour les Tziganes de Roumanie, tout a commencé au 13ieme siècle.

        C’est en hommes libres que les Rom arrivèrent en Valachie et en Moldavie. Très rapidement, les Seigneurs Valaques et Moldaves commencèrent à réduire les Tziganes à l’esclavage. Des mesures sévères étaient prises par les propriétaires terriens, les princes et les Monastères  à l’encontre des Rom.

       Beaucoup alors cherchèrent déjà à fuir vers l’ouest. D’autres, confrontés à la cruauté, s’enfuirent se cacher dans les montagnes Carpates.

C’est sous le règne de Rudolf IV (1331-1355) que l’on découvre les premiers récits sur l’esclavagisme tzigane.

       Les Rom sont alors enregistrés comme étant la propriété des nobles, du clergé monastique ou des propriétaires terriens.

      Mais c’est sous le règne de Basile le Loup (1634-1654) qu’une loi concernant les esclaves tziganes est promulguée. En 1500 le terme roumain « Tsigan » devient synonyme de « Rob » qui veut dire esclave.

A cette période on pouvait classer les esclaves tziganes en différentes catégories :

      Les esclaves des paysans, les esclaves des maisons maîtres, les esclaves des nobles, les esclaves des monastères et les esclaves de l’église.

Le code pénal de Valachie site les articles suivants :

·         Les Tziganes naissent esclaves

·         Tout enfant né d’une mère esclave est esclave

·         Tout propriétaire a le droit de vendre ou de donner ses esclaves

·         Tout tzigane sans propriétaire est la propriété du prince.

·         Les mariages légaux ne peuvent avoir lieu entre les personnes libres et les esclaves.

·         Les mariages entre esclaves ne peuvent avoir lieu sans le consentement du propriétaire.

·         Le prix d’un esclave doit être fixé par le tribunal, selon son age, sa condition et sa profession.

Les Tziganes sont vendus et achetés à des foires aux esclaves. Au 19ieme siècle le prix  d’un esclave étant, en général, d’une pièce d’or par kilo sans égards aux liens familiaux.

      « Il n’était pas rare de voir, dans les rues, des êtres humains aux pieds et mains enchaînés, certains portant des anneaux de fer autour du cou, ils étaient fouettés, privés de nourriture, maintenus nus dans la neige ou dans les rivières gelées. On arrachait la femme à son mari on arrachait les enfants des bras de leurs parents et on les vendait aux quatre coins de la Roumanie. (Citation de Kogalniceanu 19ieme)

       Au 19ieme siècle, on pouvait dénombrer plus de 400 000 esclaves tziganes. Certains se révoltaient et formaient des bandes et se réfugièrent dans les forêts des montagnes de Transylvanie.

     Il fallut attendre le 23 décembre 1855 pour que l’esclavage des Tziganes devient illégal en Moldavie et le 8 février 1856 en Valachie. Mais ce n’est qu’en 1864 que l’esclavage et le servage sont définitivement abolis en Roumanie.

     Hélas, encore aujourd’hui,  dans l’esprit de nombreux Roumains les Tziganes sont toujours regardés comme des sous individus. Pour eux  «  les tziganes n’ont pas d’âme »

                                      

2.    LA MARCHE DE LA HONTE

 

      Après cette triste période de l’esclavage tzigane, les souffrances des Rom continuèrent et  dés le début du 20ieme siècle  les choses recommencèrent à s’aggraver. Dans les années 20 la situation économique se détériore en Roumanie. Une atmosphère raciste se développe dans le pays. Des pogroms à l’encontre des Juifs et des Tziganes font leur apparition dans diverses villes.

      «  Il faut lutter contre le péril tzigane d’appauvrissement génétique du peuple roumain» (Ion Facaoaru partisan des thèses nazis de Ritter)

          En 1941 la Transnistrie était annexée à la Roumanie et cette méme année est décidée la stérilisation des femmes tziganes. En mai 1942 Ion Antonescu, chef du gouvernement, ordonne le recensement de la population Rom, 208 700 Tziganes sont enregistrés. Le 1ier juin commence la déportation des Rom nomades en Transnistrie. Les ordres précisent de ne pas informer les Rom de leur destination.  

          « En une semaine ils étaient 15 000 à arriver. Ils étaient dans un état incroyable de misère,   il y avait beaucoup de vieillards, certain étaient nus » raconte un témoin.

          Le 12 septembre 1942 commença la déportation des Tziganes sédentaires.

          Ils sont déportés en train, hommes femmes et enfants. Ils ne sont autorisés à ne prendre qu’un seul bagage à main. Tout le reste est confisqué (maisons, terrains, bétail…) La rafle des Rom sédentaires durera huit jours. Tout cela se fait sans ménagement et avec violence. Seules les familles de ceux qui sont soldats éviteront la déportation.

En Transnistrie les conditions de vie sont désastreuses: famine, froid et typhus font des ravages

Ceux qui cherchent à s’évader sont abattus. Certains sont complètement nus méme l’hiver.

On estime à 35 000 le nombre de Tziganes morts en déportation.

Si la Roumanie a depuis peu reconnu sa part de responsabilité dans la déportation et la mort de plus de 300 000 Juifs  roumains, elle n’a jamais voulu, jusqu’à ce jour, reconnaître sa responsabilité dans la déportation et la mort des 35 000 Tziganes.

Ion Antonescu, chef du gouvernement d’alors, est, encore aujourd’hui pour certains Roumains, un héros national mais il est pour tous les Roms un criminel de guerre qui a sur ses mains le génocide Tzigane.

           Plus récemment en 1965,  après que Nicolae Ceausescu ait pris le pouvoir, il confisqua tous les bijoux et objets de valeur des familles Rom. 80% des enfants des « orphelinats mouroirs » étaient des enfants tziganes et on peut évaluer à 50 ou 60% le taux de mortalité dû aux conditions de vie dans ces établissements : minimum de soins et d’attention, épidémies de sida, d’hépatites et de choléra provoqués par un matériel de transfusion non stérilisé.

 

 3.    DEPUIS LA REVOLUTION

 

            Après décembre 1989, qui a vu la chute du dictateur Ceausescu, a commencé une période de racisme et « d’anti-Tziganisme ». Dés lors une campagne anti-Rom se manifeste dans toute la Roumanie.

           Des pogroms ont lieu : le 24 décembre 1989, à Virghie, deux Tziganes sont assassinés et des maisons sont brûlées, à Turulung, 36 maisons Tziganes sont incendiées le 11janvier 1990, le 29 janvier 5 maisons sont incendiées à Reghin, quatre Roms sont assassinés et six maisons brûlées à Lunga le 5 janvier, à Adereni en 1993, 4 morts et 14 maisons brûlées , à Sabolciu le 13 mars une quinzaine d’hommes armés de battes de base-ball ont attaqué le quartier tzigane sans raison et le 8 mai 2002, 200 supporters de foot ont attaqué un quartier tzigane de Bucarest en criant « les Tziganes, hors de Roumanie »  Etc…..Le 13 et 15 juin les mineurs arrivés à Bucarest répriment une manifestation anti Iliescu et se dirigent vers un campement de Tziganes de la banlieue, le campement est brûlé, les hommes sont battus et des femmes violées sous les yeux de la police indifférente.

          Violences policières, politique municipale dans le seul but de chasser les Roms de la ville, ségrégation dans les écoles et à l’embauche, discrimination dans l’accès aux soins et aux aides sociales, articles de presse et journal télévisé présentant les Tziganes comme des délinquants. Des slogans affichés régulièrement traduisent la propagande anti-Rom « Mort aux Tziganes ou Les Tziganes hors de Roumanie »

            On comprend mieux la détresse de ce peuple et les raisons qui les poussent à fuir un pays hostile où le racisme existe encore aux portes de l’Europe.

            Il y a entre 2 et 3 millions de Tziganes en Roumanie et ce que nous avons fait jusqu’à ce jour dans le domaine de l’éducation, de la santé, de la formation, de la protection de l’enfance et de la santé est infime, mais nous gardons l’espoir que les choses peuvent changer, surtout grâce à l’Evangile et nous continuerons nos efforts pour améliorer les conditions de vie de ce peuple rejeté et méprisé.

 

          Dans un prochain document nous parlerons plus précisément des Tziganes des Balkans et du Kosovo.

 

Pasteur René Zanellato

 

 

 

 

(Quelques sources historiques et citations : HOB OCTBTb n°10 dec 2002)

 
 



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