Simples entretiens sur la prière 

Par Mr Samuel Dickey Gordon

Elle lui disait que la traite était inexacte, comme il le savait d’ailleurs, qu’elle la payait, néanmoins, en protestant énergiquement, pour mettre en pratique le précepte d’amour du Sauveur : « Si quelqu’un veut plaider contre toi pour t’enlever ta tunique, laisse-lui encore le manteau. » (Matthieu : 5 / 40) Ainsi, tout en payant, elle rendait son témoignage.

Récapitulons l’histoire

Notre amie avait trois cent cinquante francs dans une petite boîte qu’elle tenait sous clef. Elie y ajouta quatre-vingt dix francs lui appartenant, ce qui fit en tout quatre cent quarante francs. Cette somme arriva au total de sept cent cinquante et un francs; elle s’accrut donc de trois cent onze francs. Une seconde fois, elle fut augmentée de quatre-vingt dix francs, soit en tout une augmentation de quatre cent un francs, sans compter la petite somme qui resta dans la boîte après le paiement.

Cette augmentation a été produite par l’action de la prière seule, sans aucun secours humain, quoique tout ait été mis en œuvre pour obtenir ce secours humain. Cette femme ne pria ainsi que parce qu’elle s’y sentait poussée intérieurement. L’intervention divine ne se produisit qu’après cinq mois de longs et rudes combats intérieurs, de continuelles prières, de cruelles épreuves; enfin, après le sacrifice complet d’économies péniblement réalisées. Ce sacrifice n’était d’ailleurs, comme je l’appris par la suite, qu’un incident dans la vie de continuels renoncements que menait cette femme depuis que la chapelle était en construction.

C’est un miracle analogue à celui qui se produisit pendant des mois pour la veuve de Sarepta. (1 Rois : 17 / 8-16) Il est identique à celui qui arriva à la veuve d’un prophète dont les fils allaient être vendus comme esclaves pour payer ses dettes; (2 Rois : 4 / 1-7) identique aussi à la multiplication des pains dans un temps de famine. (2 Rois : 4 / 42-44) Il ne diffère qu’en degré des multiplications des pains et des poissons par lesquelles le Seigneur, à deux reprises, nourrit les multitudes et dans lesquelles il y eut aussi un reste important de pain et de poisson, qui fut soigneusement recueilli et servit à nourrir d’autres affamés (Matthieu : 14 / 13-21 ; Matthieu : 15 / 32-39 et parallèles) Enfin on peut le placer dans le même groupe de miracles que les deux pêches miraculeuses (Luc : 5 / 4-11 ; Jean : 21 / 1-14) dont nous parlent les Evangiles et qui furent dues à la présence du Maître.

Je dois avouer que l’interprète, ma femme et moi, nous ne fûmes pas toujours maîtres de nos larmes, lorsque, réunis autour de notre amie, nous écoutions son récit. Elle consultait son journal intime, très soigneusement tenu, pour faire revivre devant nous ces jours mémorables. Et nous avons revécu avec elle son angoisse et sa joie, nous arrêtant avec elle lorsque l’émotion l’empêchait de continuer, puis l’écoutant attentivement, lui posant des questions et bénissant dans nos cœurs ce Sauveur, cet Ami, ce Maître si fidèle.

L’enseignement qui se dégage de cette émouvante histoire est fort simple. Je demande instamment à mes éditeurs de ne jamais séparer les lignes qui suivent du récit lui-même.

Je ne conclus pas de ce miracle que nous devions demander à Dieu d’augmenter notre argent de cette manière. Je ne conclus même pas que nous puissions le faire, Si jamais le Seigneur conduit quelqu’un de ses enfants à présenter une prière analogue et à faire de semblables expériences, ce chrétien saura reconnaître la main de Dieu, sans avoir à s’appuyer sur ce qui est arrivé à d’autres.

Il est possible qu’une semblable intervention ne se produise pas de toute une génération, ou même de plusieurs générations. 


Je n’ai jamais entendu parler jusqu’ici d’un fait du même genre, quoique je sois très attentif, depuis des années, à enregistrer les preuves de l’action de Dieu à notre époque. C’est là une délivrance particulière, accordée dans une crise spéciale.

L’enseignement que nous apporte ce récit est le suivant: Dieu ne trompe jamais notre confiance. Il ne déçoit jamais personne. Sa Parole ne peut faillir. La vraie prière, inspirée par le Saint-Esprit, pénétrée de l’esprit de sacrifice, est toujours exaucée et ne peut pas ne pas l’être. Dans une crise où les hommes refusent d’aider, Dieu accomplit un acte créateur, plutôt que de laisser faillir sa Parole, ou de permettre que l’un de ses enfants ne vienne à être déçu dans sa confiance en Lui. Dieu peut seul savoir quand des circonstances pareilles se produisent. Son Esprit dirige nos prières. Voilà la pierre de touche de la vraie prière.

Quelqu’un pourrait ne voir dans notre histoire qu’un moyen commode de sortir des embarras d’argent. Mais il se pourrait qu’un pareil fait ne se reproduise pas, même dans un cas de grande détresse. Il y a lieu de noter, en particulier, qu’au moment où nous écrivons ces lignes, la petite chapelle n’est pas encore complètement payée. C’est même une grosse préoccupation et un continuel sujet de prière pour notre amie de Finlande. Il reste encore plus de quatre mille francs à payer, ce qui est une grosse somme, vu l’indigence de cette population pourtant généreuse. Cependant notre amie n’a pas eu l’idée de demander à Dieu de renouveler le miracle dont elle a été l’objet. Cette prière ne lui a pas encore été mise au cœur; elle ne sait pas d’où lui viendra l’argent, mais elle continue à prier avec confiance.

J’y vois un second enseignement : la vraie prière est mise dans nos cœurs par le Saint-Esprit. Lorsque nos cœurs soupirent après Dieu, lorsqu’ils intercèdent pour des bien-aimés ou pour un besoin spécial, ces prières ne sont qu’un écho. Ces sentiments sont d’abord dans le cœur de Dieu, et ils y sont avec plus d’intensité que dans le nôtre. Ils ne font que passer, comme un écho, de son âme dans la nôtre. Il désire ardemment que nous soyons dans une telle communion spirituelle avec Lui, que notre coeur batte à l’unisson du sien.

Lorsque, jour après jour, penchés en sa présence sur les pages de sa Parole inspirée, nous Le laissons parler à notre âme, Il nous attire à Lui, Il élève notre jugement, Il forme notre intelligence, Il nous discipline pour son service, Il nous apprend ce qu’il faut demander, comment il faut le demander, et surtout avec quelle persévérance il faut le demander.

Notre amie dut passer pendant cinq mois par l’école de la prière avant que Dieu lui mît au cœur la requête qu’il attendait d’elle. Jusqu’à ce moment-là, elle n’était pas prête. Si elle l’avait présentée plus tôt, de son propre mouvement, elle n’aurait obtenu aucun résultat. La vraie prière n’est pas le produit d’une déduction logique venant de l’étude des promesses de la Parole de Dieu, c’est quelque chose d’infiniment plus profond et pourtant de très simple. On l’apprend à genoux, dans la communion du Saint-Esprit.

C’est avec autant d’émotion que d’intérêt que nous descendîmes le chemin poudreux qui conduisait à la petite chapelle. C’est une construction des plus modestes, mais bien comprise et aménagée de façon très pratique. La salie principale communique avec une salle plus petite et avec une pièce pouvant servir de chambre à coucher et de cuisine. En haut est ce qu’on appelle la « chambre du prophète », à la fois cabinet de travail et chambre à coucher pour le prédicateur de passage, quand ils ont le bonheur d’en posséder un.

Le dimanche, à dix heures, il y a une Ecole du Dimanche en finnois; à midi, un culte, dont notre amie se charge quand il n’y a pas de pasteur: enfin, à quatre heures de l’après-midi, une Ecole du Dimanche en suédois. La concierge est une femme pratique : elle habite la pièce du bas et s’occupe de tout le service; elle est convertie et dirige l’Ecole du Dimanche finnoise.

La chapelle, lorsqu’elle est bien remplie, peut contenir environ deux cents auditeurs. Mais nous en avons eu beaucoup plus pendant nos quelques jours de réunions; tout l’espace libre était occupé, et sur l’estrade, orateur et interprète n’avaient que juste la place de se mouvoir. L’on voyait même à chaque fenêtre un groupe d’auditeurs attentifs, écoutant du dehors. Quoi d’étonnant à ce que, dans un bâtiment comme celui-là, l’Esprit de Dieu agît sur les cœurs avec une puissance persuasive ? Il semblait que les cieux étaient ouverts et que les brises du Ciel soufflaient doucement sur la terre. Des cœurs fermés s’ouvrirent à ce contact, et d’autres à demi ouverts s’épanouirent complètement à la vie divine.

Tout en causant avec notre amie dans la petite chapelle, en la questionnant, en réfléchissant, il m’apparut de plus en plus nettement que cette histoire n’était qu’un chapitre d’une longue histoire. Ce miracle est le point culminant de toute une vie. L’histoire qui le précède parle de longues années de luttes, de fidélité; de patience au milieu de difficultés de toute sorte; elle parle de plans constamment renversés, comme si des esprits ou des forces invisibles étaient ligués contre eux; elle parle de persévérance dans la prière et dans la lutte, persévérance toujours un peu plus prolongée que la résistance de la force ennemie; elle parle par-dessus tout de la continuelle présence de l’Ami invisible. C’est là le facteur essentiel, le secret de la victoire. La persévérance l’a emporté, et elle l’a emporté parce qu’elle se prolongeait toujours un peu plus que la résistance.

En écoutant ce récit, les paroles du Maître : « Il faut toujours prier et ne point se lasser » (Luc : 18 / 1-8) me revenaient à la mémoire.

La prière est l’arme essentielle contre les soucis du monde et pour le service de Dieu. Les grands dangers qui la menacent sont la lassitude et le découragement. Il semble qu’une puissance invisible essaie de nous abattre, d’épuiser notre vigueur physique et notre persévérance. Une persévérance ferme, inlassable, inaccessible au découragement, mais n’ayant rien de commun avec l’entêtement, voilà ce qu’il faut à notre prière. Gardons-nous, en effet, de confondre la persévérance avec l’entêtement, qui n’a rien d’intelligent ni de raisonnable. (Psaume : 32 / 9) On peut être assez fort pour résister, mais pas assez pour résister avec bonne grâce, pas assez pour céder sur les points secondaires. La force de persévérance qui vient du Saint-Esprit sait examiner, interroger, changer au besoin ses plans pour mieux affronter l’obstacle; elle sait déployer un calme, une égalité d’humeur, un aimable bon sens, qui n’ont aucun rapport avec l’entêtement. Cette persévérance, qui seule triomphe, ne peut venir que de l’Esprit. Lui seul là donne, et il ne peut la donner qu’à ceux qui se mettent sérieusement, jour après jour, à son école. C’est ce que le Maître veut dire par l’expression : « Ne vous relâchez point. » Cette persévérance vaillante et joyeuse (Luc : 11 / 8-9) est l’un des caractères essentiels de la prière qui transforme le monde; un autre caractère est la précision (Matthieu : 18 / 19 ; Marc : 11 / 24)

Telles sont les réflexions que m’inspirait l’expérience de notre amie.

Au début, elle n’avait trouvé à acheter aucun terrain convenable pour construire la chapelle. Peu à peu les choses changèrent. Le propriétaire de l’emplacement que l’on désirait vint de l’étranger visiter ses propriétés; on put lui parler directement, et finalement un beau terrain fut légalement acquis. Mais ce n’avait pas été sans longues luttes; il avait fallu vaincre, pas à pas, une âpre opposition; elle durait toujours, mais l’Ami invisible était là avec sa force et son appui.

Ensuite, lorsqu’il s’agit de bâtir, il sembla impossible de se procurer le bois nécessaire. Toutes les réserves de la saison étaient épuisées. Mais l’Ami fidèle permit à notre amie de conserver l’espérance au milieu des circonstances les plus désespérées. (Romains : 4 / 17-21) Elle ne fut pas déçue. Un lot de poutres inattendu arriva par la rivière; il y eut une baisse de prix sur diverses marchandises; des ouvriers inconvertis vinrent offrir leurs services; on put engager le meilleur entrepreneur. A mesure que les difficultés surgissaient, elles étaient aplanies, et notre amie avançait ainsi, pas à pas, de délivrance en délivrance. A la fin, à mesure que la flèche de la chapelle s’élevait, sa foi atteignit, elle aussi, son point culminant. Le miracle que nous avons raconté n’est que la dernière pierre d’un édifice; il est soutenu par des années de luttes, de crises de prière et d’inébranlable fidélité de la part de Dieu.

Je l’ai rapporté pour rendre gloire à Dieu et pour que les hommes aient en Lui une confiance plus absolue et plus simple.

(1) The Finnish gold story, tiré de The quiet lime, par S.-D. Gordon.

(2) Le mark finnois vaut exactement 1 franc et ne doit pas être confondu avec le mark allemand, qui vaut 1fr.25.

(3) Au lieu de l’airain, je ferai venir de l’or.

RECUEILLEMENT ET PRIÈRE

Notre génération est, plus qu’aucune autre, agitée, haletante, fiévreuse. Tout travaille à nous distraire, à nous dissiper, à nous rendre superficiels : la multiplicité des découvertes, les nouvelles du monde entier, et même les œuvres religieuses et sociales.

Et pourtant l’expérience nous montre, et la Parole de Dieu nous dit que rien de grand, de fécond, de durable ne s’est jamais accompli ici-bas sans recueillement. La réflexion a toujours précédé l’action. Les individualités puissantes, les hommes aux convictions fortes et lumineuses se sont formés dans la solitude. Les Moïse, les Elie, les Jean-Baptiste, les Paul, les Luther, les Calvin, les Wesley ont été des hommes puissants parce qu’ils avaient commencé par se recueillir en présence de Dieu. C’est là le secret de toute vie féconde.

Pour apprendre à nous connaître, pour nous voir tels que nous sommes, pour cesser de nous séduire par de faux raisonnements, pour arriver à cette sincérité absolue qui permet à l’esprit de Dieu de nous juger, de nous dépouiller, de nous vider, il faut absolument que nous ayons des heures de solitude. « Toi, quand tu pries, entre dans ton cabinet »

La solitude, toutefois, peut n’être qu’apparente. On peut s’isoler sans se recueillir, parce que le cœur est rempli de préoccupations mondaines. C’est pourquoi, après avoir dit : « Entre dans ton cabinet », le Seigneur ajoute : « ferme ta porte »

C’est que la voix de Dieu a besoin de silence pour se faire entendre. Si le cœur est rempli de convoitises charnelles, si le bruit des passions mondaines s’y fait entendre, Dieu se tait. L’arche de Dieu et Dagon, Jésus-Christ et Satan ne peuvent habiter ensemble. Pour rencontrer Dieu dans le sanctuaire de notre âme et nous entretenir avec Lui, il faut en chasser le Diable.

Ferme la porte de ton cœur à l’incrédulité, aux pensées mondaines, aux soucis; mets dehors ta sagesse propre, ta volonté propre, tes ambitions charnelles. Détourne-toi du monde et tourne-toi vers ton Père.

Ces heures de recueillement sont infiniment sérieuses. C’est là que se remportent les victoires ou que se font les chutes; c’est là qu’un Jacob devient Israël et qu’un Balaam se perd; c’est là que les Abraham sont appelés à immoler leur Isaac; c’est là que Dieu forge ses instruments d’élite.

Et à mesure que le monde s’éloigne et que l’âme, penchée sur les pages divines, se sépare de tout ce qui la souille, Dieu s’approche.

Le cœur, en effet, ne peut rester vide. S’éloigner du monde, c’est s’approcher de Dieu. « Comme une biche altérée soupire après des courants d’eau, ainsi mon âme soupire après toi, ô Dieu! Mon âme a soif de Dieu, du Dieu vivant. » L’âme se retrouve et se reconnaît; elle n’est pas sourde, ni muette; elle entend la voix divine et elle y répond; elle apprend à se connaître et à connaître Dieu.

Un dialogue sublime a lieu entre le Père céleste et son enfant; Dieu se révèle et se communique. Des vérités cent fois entendues froidement deviennent esprit et vie en nous. Dans ces entretiens bénis, des impressions qui jadis n’avaient fait que nous effleurer, des vérités qui étaient restées mortes en nous, nous sont rappelées par le Saint-Esprit et rendues vivantes. Toute la volonté de Dieu nous est révélée à la lumière de son amour. Ses compassions et notre misère, sa miséricorde et notre égoïsme, sa puissance et notre faiblesse, sa sagesse et notre folie, sa grandeur et notre petitesse, notre origine, notre vocation, notre destinée, le don de Dieu en Jésus-Christ, tout cela nous humilie, nous subjugue et nous remplit de reconnaissance.

Et quand ces tête-à-tête se prolongent avec notre conscience et Dieu, qui nous instruit par sa Parole et son Esprit, nous sommes amenés à toujours plus rechercher nos voies et à les sonder. Que de découvertes pénibles ! Que de racines d’amertume, que de restes d’orgueil, d’égoïsme, de volonté propre, de timidité nous sont révélés ! Nous commençons seulement à nous prendre en dégoût, à haïr notre vie propre. Nous avions cru être consacrés au Seigneur, et voici, nous découvrons que dans mille circonstances, c’est notre volonté que nous avons faite, ce sont nos décisions que nous avons prises, ce sont nos paroles que nous avons prononcées, c’est l’esprit du monde qui nous a inspirés.

Et la stérilité de nos œuvres nous est révélée. Il n’y avait pas entre le Seigneur et nous une communion profonde et permanente; notre foi était plus une conviction de l’intelligence qu’une confiance, qu’un abandon de nous-mêmes à Lui. Ce n’était pas Lui qui portait des fruits par notre moyen. Nous avions oublié que, hors de Lui nous ne pouvions rien faire, que Lui seul doit être l’inspirateur de toutes nos pensées, de tous nos actes, que son Esprit doit être le mobile de toute notre vie. Notre stérilité nous étonnait; maintenant nous en découvrons la source.

Et la stérilité de nos prières, que de fois ne nous a-t-elle pas angoissés, tourmentés, découragés. Jésus a dit : « Demandez et vous recevrez »; or, nous demandions et nous ne recevions pas. Et voici, dans le silence du recueillement, l’Esprit de Dieu nous révèle la duplicité de notre cœur. Les lèvres formulaient certaines demandes, tandis que le cœur soupirait après d’autres biens. Entre nos prières et nos sentiments, entre nos prières et notre vie, il y avait contradiction. Nous disions à Dieu : « Donne-moi, pardonne-moi », et nous ne donnions pas, et nous ne pardonnions pas. Nous lui demandions son Saint-Esprit, c’est-à-dire l’humilité, le renoncement, la générosité, le zèle, la fidélité, l’amour, et nous gardions de l’orgueil, de l’avarice, de l’égoïsme, de la paresse à nous dépenser pour autrui. Nous manquions donc de conscience dans nos prières; elles n’étaient pas suffisamment sérieuses : elles consistaient le Saint-Esprit parce qu’elles renfermaient du mensonge.

Oh ! Révélations bénies, continuez votre œuvre de lumière et de purification ! Pénétrez dans tous les recoins de notre âme jusqu’à ce que tout en nous soit esprit et vie.

Maintenant l’enfant de Dieu peut prier. Dans la solitude du cabinet, il a contemplé l’aveuglement et la surdité de l’Eglise. Ses yeux, à lui ont été ouverts. La vision d’une humanité certainement coupable, mais aussi victime d’une Eglise trop sourde et trop aveugle, le hante. Ses oreilles entendent des cris de détresse ses yeux contemplent partout la souffrance, le péché, des enfers corrupteurs. En regardant notre monde comme Jésus le regardait, en voyant les hommes assis dans les ténèbres et l’ombre de la mort comme saint Paul et le Christ, il éprouve une grande tristesse et il a dans le cœur un chagrin continuel. Comme le voyant de Patmos, il est hanté par de douloureux problèmes jusqu’à ce que le plan d’amour de Dieu lui ait été dévoilé et qu’il entende la voix de Jésus lui dire : « Prie ton Père là dans le secret, et ton Père, qui te voit dans le secret, te le rendra publiquement. »

L’histoire de l’Eglise est une merveilleuse illustration de cette vérité. Les dix jours de retraite dans la chambre haute ont produit la Pentecôte avec ses 3.000 convertis; les prières incessantes de l’Eglise ont arraché Pierre à sa prison et à la mort; les prières constantes de Paul ont enfanté une légion de croyants. Suivez les évangélistes des premiers siècles ou les missionnaires du moyen âge, étudiez la vie intime des grands remueurs de consciences, suivez dans leurs retraites les croyants qui ont porté des fruits qui demeurent, songez aux grands réveils de l’Eglise, et vous verrez que, partout et toujours, les effusions du Saint-Esprit ont été la récompense publique de ceux qui avaient lutté avec Dieu dans le secret.

Essayez par la pensée de supprimer nos hautes montagnes couvertes de glaciers et de neiges éternelles. A quoi servent-elles ? N’est-ce pas du terrain perdu ? Dites-vous peut-être. Ne vaudrait-il pas mieux voir à leur place de magnifiques vignobles ou de beaux champs de blé ?

Malheureux ! l’ignorance vous fait déraisonner. Si votre vœu se réalisait, notre monde ne serait bientôt plus qu’un désert. Savez-vous d’où viennent les fleuves qui fertilisent nos campagnes et qui alimentent nos industries ? Ils jaillissent de ces montagnes, qui vous paraissent inutiles. C’est là qu’ils ont leurs sources.

De même, interrogeons les hommes de foi et de dévouement, demandons-leur quelle est la source de leur vie féconde, comment sont nés en eux ces fleuves d’eau vive qui arroseront éternellement le monde. Ils nous diront qu’à genoux devant Dieu, ils ont appris à connaître la communion des souffrances de Christ. Ils ont entendu les blasphèmes, les sanglots, les cris de détresse de l’humanité païenne et civilisée; ils ont vu les existences qui se perdent dans le péché et la souffrance, les bastilles qui doivent disparaître. Puis leurs regards se sont tournés vers Celui qui fait surabonder la grâce là où le péché abonde. Dans sa communion, ils ont trouvé le secret de la prière victorieuse et de l’action efficace.

ENCORE LE RECUEILLEMENT

Il n’y a pas d’inimitié avec Jésus-Christ et de foi vivante sans recueillement.


« Si nous sommes stériles, c’est plutôt faute de repos que de travail », a dit le père Gratry. Il faut ajouter que Gratry appelait repos l’activité intérieure, le recueillement. Notre faiblesse vient donc de notre dissipation. Avant de pouvoir parler aux hommes avec puissance, il faut avoir pris le temps d’écouter Dieu.

Toutes les erreurs, les préjugés, les traditions, les mensonges que nous gardons dans nos habitudes, dans nos vies, dans nos Eglises ont leur source dans l’absence de recueillement.

C’est encore à la même cause qu’il faut attribuer le vague des convictions, la peur de l’étroitesse, le manque de connaissances bibliques, les grands mots et les grandes phrases sans signification précise. On est assez fort pour détruire; on ne l’est pas assez pour édifier. Les vastes horizons, les lumineuses visions des prophètes et des apôtres n’ont guère été contemplés; le plan de Dieu n’a pas été compris. De là, l’absence de pensées fortes.

« Hors de moi, vous ne pouvez rien faire » dit Jésus. Nous ne pouvons rien sans lui; Il ne peut rien sans nous. Hors de nous, sans s’incarner dans nos vies, Il est rendu absolument impuissant. Le monde, qui vivrait de sa présence, meurt de son absence. « Le mal social et tous les autres maux ne sont que les résultats de l’absence de Dieu, manifesté en chair », a dit W. Stead. La vie de Dieu est descendue sur la terre. « La vie a été manifestée et nous l’avons vue », dit Jean. « La parole a été faite chair, elle a habité parmi nous », elle a été et elle est le Pain de vie qui nourrit les âmes repentantes et croyantes. Nous vivons lorsque nous contemplons avec foi la vie sainte du Sauveur et sa mort expiatoire. Et nous donnons Jésus-Christ à manger au monde quand nous, les membres du corps de Christ, nous sommes la lumière du monde, le sel de la terre, en laissant le Sauveur s’incarner dans nos vies. Car le monde vit de la foi, de la patience, de la charité, de l’intercession des chrétiens, c’est-à-dire de Jésus vivant dans ses rachetés. Dans l’exacte mesure où nous incarnons le Christ, nous sommes des paroles vivantes de Dieu, nous éclairons et réveillons les consciences, nous touchons les cœurs, nous agissons sur les volontés. Ce qui laisse le ciel sourd à nos prières et le monde indifférent, c’est l’absence de Dieu dans nos vies.

Ne cherchons pas ailleurs la cause de l’état de corruption du monde. Que deviendrait l’Océan si ses eaux, perdant leur puissante saveur, devenaient fades et insipides ? Il se corromprait et empesterait l’humanité. Et que deviendra la société humaine si l’Eglise ne devient pas plus réellement le sel de la terre, la lumière du monde ? Si nous prenons la parole de Dieu au rabais, comment le monde la prendrait-il au sérieux ? Avant de nous affliger du peu de fruits qu’elle porte chez les mondains, affligeons-nous du peu de fruits qu’elle porte en nous. Sondons nos cœurs, examinons nos mobiles, descendons au fond de notre âme, visitons-en tous les recoins avec sincérité, à la lumière de la parole de Dieu et du Saint-Esprit. Demandons-nous si nous voulons réellement, sincèrement mourir à nous-mêmes, à toute réputation, à toute recherche de la gloire qui vient des hommes, à nos pensées propres.

Si nous sommes purs de cœur devant Dieu, cet examen nous amènera sans doute à opérer bien des réformes dans nos vies.

A l’heure actuelle, en pensant au monde perdu, mille questions angoissantes nous oppressent. Le danger est d’essayer de les résoudre avec notre sagesse. Les réponses à nos douloureux pourquoi se trouvent dans le cœur de Dieu. C’est là qu’il faut aller les chercher. Il faut que nous pensions ses pensées, que nous voulions sa volonté, que nous disions ses paroles, que nous fassions son œuvre par le Saint-Esprit. « Je ne puis rien faire de moi-même » dit le Sauveur.

C’est à genoux, dans le recueillement, en face de la parole sainte sérieusement consultée, seul à seul avec Dieu, que nous pouvons rentrer en nous-mêmes et arriver à une sincérité absolue, à une situation vraie vis-à-vis de nous, du monde et de Dieu. Là seulement Dieu peut nous montrer et nous faire sentir le néant des choses d’en bas, la valeur des âmes, le prix de la grâce, l’immensité de son amour, l’horreur du péché. Là, il nous humilie. Là nous sommes amenés à nous interroger : Est-ce que j’expérimente la vérité des promesses divines ? Est-ce que j’obéis à tous les ordres de Dieu ? Cet évangile de la régénération, de la liberté, de la sainteté, de la perfection, l’ai-je pris au sérieux ?

Quand nous avons des oreilles pour entendre ce que Dieu nous dit, nous avons des cœurs et des bouches pour prier. Et la prière humble, intense, persévérante nous donne une ouïe toujours plus fine, elle brise nos chaînes, elle nous apporte la lumière, elle nous sépare du monde pour nous unir à Dieu, elle est notre réponse à la volonté révélée de Dieu, elle nous apprend à recueillir les cris de détresse de la terre comme les paroles de miséricorde du ciel.

Et alors, dans cet intense recueillement aux pieds du Seigneur, nous avons de saintes visions. Tout d’abord la révélation de ce que nous sommes, de notre passé coupable, de tout ce qui n’a pas été jugé et abandonné, de tout ce qui reste en nous de charnel. A cette vue, nous nous prenons toujours plus en dégoût et nous appelons dans notre âme les puissances divines.

Nous avons aussi une révélation de la gloire de Dieu. Le Saint-Esprit nous révèle le caractère de Dieu en illuminant pour nous la croix de Jésus-Christ.

Nous avons encore une révélation de l’état du monde. Dieu nous montre notre pauvre humanité plongée dans les ténèbres et la souffrance, il nous donne les yeux de Christ pour sonder toutes les plaies et son cœur pour les sentir; il met en nous d’immenses compassions. Souvenons-nous de Moïse, de Daniel et de Paul. Comme ils se solidarisaient avec leur peuple coupable, prenant sur eux ses péchés, les confessant, s’en repentant, s’unissant à leur nation pécheresse par un lien d’une puissance indestructible.

Sommes-nous incapables de posséder un pareil amour et d’éprouver une telle douleur ? Prosterné devant Dieu, Paul ne peut prendre son parti de posséder Jésus-Christ et d’en voir sa nation privée. Il souffre, il pleure, il prie. Et quelles souffrances, quelles larmes, quelles prières ! Il contemple la situation de son peuple et du monde, et, en face de tant d’existences qui se perdent, tant de souillures qui ravagent l’âme humaine, tant de folies et de souffrances, tant d’aveuglement et de ruines, ses larmes coulent brûlantes et son cœur se brise. Il connaît la communion des souffrances de Christ. S’il n’était rempli d’espérance, il mourrait de douleur. Mais Paul sait que s’il y a sur la terre une abondance d’iniquités, de souffrances, d’esprit d’égarement, il y a dans le ciel une surabondance de pardon et de vie capable de détruire tous les maux d’ici-bas.

Pour devenir des témoins et des intercesseurs puissants, il nous faut cette double vision: la vision de l’œuvre de Satan détruisant santé, bonheur, pureté, cœur, conscience, intelligence, espérance, ne laissant que des ruines, puis la vision de l’œuvre du Christ, de tout ce qu’il peut et veut recréer dans les créatures humaines en se servant de nous comme d’instruments. Et c’est dans le recueillement que nous l’aurons. Si nous voulons entrer et demeurer dans le sanctuaire de la présence de Dieu, recueillis à ses pieds, il nous dépouillera de toute impureté et de toute inintelligence, il nous rendra semblables à Jésus-Christ. Alors nos vies sanctifiées raconteront la gloire de Dieu.

Il va sans dire que tout cela ne se réalisera pas en un jour. Dieu ne fait rien magiquement. C’est en contemplant la gloire du Seigneur que nous sommes transformés de gloire en gloire. D’une révélation obtenue dans le silence du recueillement naît dans notre âme une prière plus pure, et de cette nouvelle prière une révélation plus haute et des grâces nouvelles. Prosternés devant Dieu, la lumière et la vie grandissent sans cesse dans notre âme, Dieu peut nous associer à son œuvre, mettre entre nos mains les rênes du gouvernement du monde, réaliser ses promesses, exercer par nous la toute puissance au ciel et sur la terre.

Que l’Eglise écoute ainsi Dieu dans un intense recueillement, et elle sera le canal béni par le moyen duquel toutes les richesses du ciel descendront sur la terre. 
 
 



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