Simples entretiens sur le Tentateur 

Par Mr Samuel Dickey Gordon

La seule ambition qui aurait dû l'animer était d'aimer Dieu avec l'ardeur de la passion, d'entourer son nom de tendresse infinie. La soif de Dieu, le désir intense de Lui plaire, voilà quelle flamme eût dû brûler en son coeur. Or, quel est son but ? Quelle est son ambition ? Ils ont l'apparence de la fidélité, de la vérité, mais avec cette différence : c'est pour lui qu'il manœuvre.

Il se substitue à Dieu. Gagner le monde à lui, voilà sa seule préoccupation. Chasser Dieu pour prendre sa place ; le détrôner pour usurper son trône l'anéantir pour avoir la suprématie sur l'Univers, telle est l'oeuvre de Satan.

Il est malaisé de prononcer ou d'écrire de semblables paroles. Elles paraissent blasphématoires. Elles le sont. Tout le désir du Diable, le but vers lequel il tend avec tant d'ardeur et tant d'énergie peuvent se résumer en un seul mot : " blasphème ". Et ce blasphème est, hélas ! d'une triste fréquence dans la vie des hommes.

 
L'adoration de Satan
 
Ce qui dévore Satan, dans toute son oeuvre, c'est lui-même. Il est sa propre ambition. Une passion pour « sa personne » brûle en son coeur et avec une telle force que tout est consumé dans cette flamme. Le mot Satan peut se réduire à trois lettres : Moi. Il s'adore et veut qu'on l'adore. En Afrique et en d'autres pays païens, le culte des démons est chose banale. Mais en ce qui nous concerne, point n'est besoin d'aller en terre païenne pour découvrir des adorateurs de Satan. Car adorer c'est aimer. Et l'esprit de Satan est tout simplement l'amour de soi, sous l'une de ses nombreuses formes. Il n'y a rien de plus commun en cette vie que l'amour de soi. Il est parfois raffiné à l'extrême. Il aime à se revêtir de phraséologie religieuse. Et cependant, partout où cet amour de soi, cette recherche de soi dominent, là sont Satan et sa convoitise. Cette affirmation exprimée si crûment ne peut que déplaire, et pour cause. On repousse même l'idée que l'un d'entre nous puisse s'adonner au culte de Satan (Il va de soi que nul n'a le droit d'en accuser son prochain). Mais si je parle de cette manière un peu brutale et si je dirige les feux de ce puissant projecteur sur les traits distinctifs de Satan, c'est afin de nous amener, vous et moi, aux pieds de Dieu, pour que Seul à seul, en sa présence, nous puissions voir en nous ce qu'Il y voit. Satan devient notre miroir. N'y aurait-il pas dans ses traits quelque chose qui rappelât les nôtres ? En attirant ainsi l'attention sur son but et son ambition avec tant d'insistance, cela ne nous ouvrirait-il pas un peu (ou même complètement) les yeux sur nos propres desseins ? - sensiblement atténués, peut-être - et encore ! Avouons que nul de nous ne peut se trouver en face de ce portrait de Satan sans être frappé de la ressemblance de certains de ses traits avec les nôtres ! Nous admettons jusqu'à un certain point que ce défaut si commun, l'égoïsme, se trouve en nous. Combien il est humiliant de découvrir que cet égoïsme est tout simplement l'esprit de Satan ! En recherchant, dans un esprit de prière, ces empreintes de Satan en nous, l'on ne peut être que péniblement affecté. Il est extrêmement douloureux de constater que, d'une façon ou d'une autre, nous l'avons servi et qu'il a compté sur notre appui pour mener à bien ses ambitieux desseins. Et pourtant, il faut bien le dire, une seule manifestation d'égoïsme est la preuve de notre association avec lui. L'égoïsme, l'amour de soi, le désir de conserver pour soi tout ce qui n'est pas indispensable à sa subsistance et de le détourner ainsi des besoins du service du Maître, cela participe déjà de l'esprit de Satan. C'est pour lui, déjà, l'accès dans nos vies. Cela ne signifie pas seulement que nous nous refusons la présence et la puissance de Dieu dans nos vies, mais aussi - ce qui est plus angoissant et plus grave encore - que nous prêtons main forte à l'Ennemi dans la réalisation de ses ambitions. Satan est un miroir qui reflète et met en relief, tout ce qui, en nous, est à son image.
 
Le vrai but
 
Il existe un autre miroir que la Parole de Dieu place devant nos yeux. C'est l'exemple du Seigneur Jésus. Je le nomme ici parce que Lui et Satan désirent tous deux nous conquérir. La grande figure de notre Seigneur ne saurait être mieux décrite que par les propres paroles qu'Il prononça sur Lui-même. Et  tous les hommes s'accordent à reconnaître leur absolue vérité. Il a dit: « Je suis venu ... non pour faire ma volonté, mais la volonté de Dieu qui m'a envoyé ». Tel fut l'unique but de sa vie jusqu'à la fin. En premier lieu, à Nazareth, le village qui le vit croître, dans l'échoppe du charpentier, puis pendant ses années de ministère auprès des foules affamées ; puis dans l'amertume de la souffrance de Gethsémané et dans l'indescriptible agonie de la Croix. La volonté de son Père fut pour Lui comme un doux accompagnement de musique qui ne cessa sa vie durant. Il consentit joyeusement à tous les sacrifices. Il endura sans murmurer toutes les douleurs, même lorsque le couteau incisait au plus profond de sa chair ou de son âme. Il servit avec joie parce qu'Il savait que, ce faisant, Il accomplissait le plan divin.

Le but de Sa vie fut de faire la volonté de son Père et son Père lui-même fut Sa passion. La seule recherche qui le préoccupait, le poussait, la seule fin toujours en vue, était le plan de Son Père. L'ambition qui le consumait était un amour tendre et passionné pour son Père.

Ce miroir placé devant nos yeux fait un contraste étrange avec le précédent. Peut-être n'aurons-nous pas la hardiesse de nous comparer à Jésus. Et pourtant, il se peut qu'au tréfonds de notre être, notre désir le plus ardent et le plus cher, celui qui prédomine sur tous les autres, soit de Lui ressembler. Ce fut le désir, l'ambition, la passion de tous Ses disciples à travers les âges. Partout où l'on permet à son Esprit de régner, cette volonté triomphe et devient la plus forte. Remarquons que l'un ou l'autre de ces deux exemples doit inspirer la vie d'un homme : ou celui de Jésus, ou celui de Satan. Et si nous n'appartenons pas à un camp, nous appartiendrons à l'autre. Pas de juste milieu. Si nous nous éloignons de la volonté de Dieu, c'est du côté de Satan que nous irons. Il en profitera pour se servir de nous. Et de la même manière que nous aurions été soumis à Dieu, de la même manière nous le serons à Satan. Car la consécration et la soumission qu'il exige sont semblables à celles de Dieu, ni plus ni moins.

Un thermomètre sensible
 
Que l'homme réfléchi et intègre examine un instant ses mobiles les plus intimes à la lumière de ce qui suit, non point avec un esprit morbide d'extrême introspection, mais avec un simple et sain regard intérieur.  Il n'est pas de thermomètre plus sensible que celui de l'argent. Plus que tout autre, il peut nous renseigner sur le degré de notre passion à faire la volonté de Dieu. Que chacun de nous se demande à soi-même, dans le secret du sanctuaire intérieur, si l'argent dont il dispose est employé comme Dieu le voudrait, ou s'il sert à satisfaire ses propres désirs. Rappelons-nous qu'il est juste de l'employer, dans une certaine mesure, pour soi, et de mettre à part ce qu'il faut pour son bien-être et le maintien de ses forces. Mais rappelons-nous aussi que la passion qui brûle dans le coeur de notre Seigneur est que tous les hommes parviennent à la parfaite connaissance de son amour et de la mort qu'Il souffrit pour eux. Aujourd'hui les deux tiers de l'humanité n'ont pas encore entendu parler de Lui et l'autre tiers Le connaît fort mal.

Je ne fais pas ici allusion à cette règle excellente, que certains se sont imposées, de donner consciencieusement la dixième partie de leurs revenus. La question placée devant vous est bien plus haute. Jusqu'à quel point la préoccupation de l'emploi de l'argent que je possède est-elle subordonnée à la passion de mon Seigneur pour ceux qui ne le connaissent pas ? La réponse à cette question ne peut être faite qu'à soi-même et à son Maître, non du bout des lèvres, mais en s'appuyant sur des faits. Quelle est exactement la proportion de l'argent gardé en notre possession pour nos besoins personnels et quelle est celle réservée à satisfaire l'amour qui brûle dans le coeur de Dieu pour le Monde ?

Ce thermomètre n'est pas le seul dont on puisse se servir, mais c'est peut-être le plus sensible. C'est souvent celui qui peut le mieux nous faire toucher du doigt jusqu'à quel point l'intensité de l'amour de Dieu influe sur l'intensité du nôtre. L'écart entre la plénitude de l'amour de Dieu et le nôtre laisse un espace dont Satan profitera pour se servir de nous.

C'est donc une angoissante question ! La prière de David peut être citée ici à nouveau. Elle prendra un sens tout autre à la clarté de ce qui vient d'être dit : - Sonde-moi, ô Dieu, sonde mon coeur et révèle-moi ce que tu y découvres. Eprouve par le feu mes passions et mes désirs et montre-moi les impuretés que tu y trouves. Vois s'il est en moi des fautes qui te peinent et révèle-les moi une à une et autant que je puisse le supporter. Et - je me demande si notre courage ne faillira pas et n'hésitera pas devant cette dernière requête - détourne-moi de cette voie et me mène dans tes sentiers, les sentiers tracés par notre Seigneur Jésus, la route royale de l'éternité.
Sa défaite
Grand - plus grand

 
Satan est en voie de tomber dans l'oubli. Il en résulte un grand danger aujourd'hui, non seulement pour les peuples chrétiens, mais pour les autres. On l'ignore là même où sa présence ne fait pas l'ombre d'un doute. Il existe parmi les gens sérieux et pieux une mentalité qui étonne. Ils estiment que tout ce qui concerne Satan est un sujet effrayant qu'il vaut mieux laisser dans l'ombre et qu'il faut continuer à faire de son mieux en comptant sur la grâce de Dieu. A la pensée du Diable, un frisson d'effroi, voisin de l'horreur, parcourt tout leur être. Cette attitude contrecarre celle, claire et précise, par laquelle on pourrait lui résister avec plus d'intelligence et de succès au nom du grand Vainqueur. Satan ignoré et oublié garde ainsi toute sa liberté d'action. C'est un immense danger.

Il est un autre risque, moins fréquent celui-là, mais non moins réel. Une étude mal faite de la Bible peut nous entraîner à attacher trop d'importance à notre Ennemi. A moins de se tenir sur ses gardes, on serait facilement porté à se le représenter plus puissant et plus fort qu'il n'est. Cela aussi est un piège. Les extrêmes participent toujours de l'erreur. Nous essaierons de nous maintenir dans l'équilibre, bien que ce soit l'attitude la plus difficile et la plus rare : ni diminuer ni exagérer l'importance de Satan. Un clair aperçu tracé à grands traits, qui nous le représenterait ni trop petit, ni trop grand, serait d'une considérable utilité pour la résistance qu'il nous est demandé de lui opposer. Ainsi notre lutte contre lui serait vraiment efficace.
 
Pour éviter une crainte exagérée de notre Ennemi, ne perdons pas de vue une double tactique.

PREMIÈRE TACTIQUE : 

rapprocher toujours le nom de Jésus de celui de Satan.

 
Avoir constamment à la pensée la présence de Satan, grand, hardi, malin, toujours aux aguets, dépasse nos pauvres moyens. Souvenons-nous de Jésus. Il a vaincu le Malin. Il est son plus redoutable adversaire. Vous et moi ne sommes pas de taille à nous mesurer avec Satan. Nous serions rapidement mis hors de combat. Seuls, nous ne saurions tenir longtemps contre lui, et lui — quelle ineffable bénédiction pour nous — lui, ne peut tenir tête, un seul instant, à notre Seigneur Jésus. Rapprochons donc toujours ces deux noms. SATAN puissant, rempli d'artifices, tenace et agressif. Prudents à son égard, ayons une perspicacité intelligente, éveillée et profonde pour le dépister. Et Jésus, plus grand, plus fort que lui, jusqu'au point d'être le Tout-Puissant, inspirateur de sagesse dans les conflits, plein de ressources dans la lutte et qui se charge de toutes les initiatives.
 
DEUXIÈME TACTIQUE :

Ouvrir la voie à Dieu.

 
L'avantage de lutter contre un Ennemi déjà vaincu est considérable. Il connaît les aiguillons, la déception et le découragement de la défaite. Tandis que tout l'élan, l'entrain, la joie et la facilité du combat que crée l'assurance de la victoire déjà gagnée, nous sont acquis par le Seigneur Jésus. Nous devrions chanter en luttant. Au Psaume : 50, il se trouve un magnifique verset qui est d'un grand secours au fort de la bataille. Le voici : " Offre pour sacrifices à Dieu tes actions de grâce, et invoque-moi au jour de la détresse. Je te délivrerai et tu me glorifieras. " Cette délivrance est déjà accomplie. Par nos actions de grâces (qui représentent la plus haute expression de la foi) nous fournissons à Dieu le moyen de Se manifester à nouveau dans nos vies par la victoire gagnée.

Chantez en combattant ! Tonnez, vous, orgues puissantes ; éclatez en torrents de mélodieux accords et que vos voix entonnent de joyeux chants d'allégresse et de triomphe. Car notre Ennemi est vaincu ! Le Seigneur, notre Ami, est le Vainqueur. Notre résistance permettra que sa défaite devienne une réalité dans nos vies et nous la mettrons au service des autres !

Il semble étrange peut-être de parler de lutte quand l'Ennemi est vaincu et bien vaincu. Généralement, une bataille décisive, une défaite écrasante règle un conflit. Nous nous expliquerons sur ce point dans un prochain entretien. Pour le moment, il nous suffit de savoir que celui qui lutte contre nous a déjà goûté l'amertume d'une défaite accablante.

Nous comprendrons d'autant mieux cette défaite que nous aurons clairement établi la différence qui existe entre l'Esprit de Jésus et celui de Satan.

Le " moi " domine l'Esprit de Satan, nous l'avons vu, et aussi l'orgueil qui est une affirmation du moi et un sentiment de satisfaction personnelle, de suffisance et de vanité, d’affranchissement de toute dépendance, y compris de celle de Dieu.

Le sentiment de sa propre compétence a pour conséquence immédiate la séparation d'avec Dieu. Nous n'avons plus besoin de Lui. Son aide ne nous est plus nécessaire...

L'égoïsme ne se contente pas d'ignorer Dieu. Il est sourd aux besoins des autres. C'est directement de Satan que nous vient l'amour du luxe qui est de l'égoïsme pur et simple. Tout ce qui contribue au maintien de nos forces est une nécessité ; tout ce qui dépasse cette limite devient du luxe. L'amour de soi engendre toujours l'amour du luxe, et le luxe, on peut le supposer, produit quelque part de la souffrance.

L'Esprit qui remporta la victoire
 
Il est un Esprit diamétralement opposé à celui que nous venons de décrire. C'est celui dont Jésus était animé quand Il vivait sur la terre. Il fut la personnification de l'Esprit d'abnégation et de total renoncement à soi-même. Il ne tomba jamais dans les extrêmes. Il n'alla pas jusqu'au mépris des choses nécessaires au maintien des forces dont un homme a besoin. Il n'abusa pas non plus de ses forces, bien que ce fût là une de ses constantes tentations, comme chez tout homme qui prend à coeur les besoins des autres et qui en souffre. Pour l'amour des multitudes, Il tint à conserver ses réserves afin de prolonger le plus possible un ministère fécond parmi elles. Le souci des autres inspira sa vie entière.

C'est un sentiment plus profond encore qui explique l'attitude du Maître dans sa vie quotidienne. Il gardait en son coeur la passion pour la volonté de son Père. Oui, au lieu d'un amour immodéré pour soi, la passion pour Dieu ! C'est par l'obéissance constante de sa vie que cet amour se fait le mieux saisir. Jésus sut obéir. Toute sa vie n'est qu'obéissance. Tel est le secret de son action. Cherchez à pénétrer, comme par une incision profonde, tel trait de son caractère et vous découvrirez toujours que c'est l'obéissance qui demeure à la base. L'obéissance est le summum de l'amour. C'est dans l'obéissance qu'il trouve son expression parfaite. Jésus fut obéissant non seulement dans la vie, mais jusque dans la mort, dans la mort la plus ignominieuse qui se puisse imaginer, accompagnée des cruautés et des indignités que seul le péché pouvait inventer.

L'esprit de Jésus est donc en résumé une passion pour son Père qui va jusqu'à l'oubli de soi, dans une joyeuse obéissance, même dans la plus vive souffrance et jusqu'au sacrifice le plus dur de sa vie.

Ce vif contraste entre les deux esprits, celui de Jésus et celui de Satan nous aidera à comprendre combien la défaite du Malin fut décisive. Il nous fera entrevoir aussi la voie que, de notre côté, nous devrons suivre, la seule voie par laquelle nous puissions vaincre sur le champ de bataille de chacune de nos vies.

Vaincu par une vie
 
Le Seigneur Jésus a vaincu Satan. Il y eut deux phases dans cette victoire. La première fut la vie qu'Il vécut. Cette vie embrasse trente-trois années environ. Elle fut une longue bataille et l'apparente et retentissante défaite qui la termina ne rendit que plus décisive sa victoire sur Satan.

La vie à Nazareth vient en premier lieu. Un seul mot la résume et la décrit : l'obéissance, mot si simple et si sublime à la fois. Il obéit depuis les premiers moments où Il commença à prendre conscience de sa mission jusqu'aux années de croissance et de maturité.

Il accepta la routine de la vie ordinaire : maison blanchie à la chaux, société d'ouvriers, ses compagnons de travail, rustres villageois. Il accepta les heures de travail prolongées dans l'atelier de menuiserie, à planter des clous, raboter, réparer les charrues et les jougs pour des clients parfois difficiles à satisfaire. C'était ce que son Père voulait pour lui. Si nous rapprochons cette description de la vie à Nazareth de celle qu'Il avait vécue auprès de son Père, nous serons confondus par tant d'humilité.

N'eut-il jamais la tentation, à certains jours de cette vie à Nazareth, de quitter cet humble cercle ignoré, et d'aller au loin pour annoncer aux hommes qui Il était et pourquoi Il était venu ? Observez-le. Il est, disons, dans sa vingt-huitième année, dans la force de l'âge. Et pourtant, Il continue à vivre la vie fermée et routinière de ce coin retiré, dans les limites étroites de sa petite demeure aux murs étriqués, se levant tôt, vaquant aux occupations habituelles d'un foyer, descendant dans la rue et saluant d'un joyeux " bonjour " voisins et compagnons de labeur ; puis à l'atelier, le voilà réparant une table, polissant soigneusement le manche d'une charrue, besognant jusqu'à l'heure où Il se dirige vers sa demeure pour le repas frugal dans le cercle intime de sa famille et prenant part à la conversation. Puis, très vraisemblablement, le voilà causant avec sa mère du budget familial, partageant ses soucis et l'aidant à établir l'équilibre entre les ressources et les besoins de chaque jour, et ainsi de suite...

Quelqu'un ici aurait-il des doutes sur la réalité des tentations s'insinuant traîtreusement à cette époque dans le coeur de Jésus ? : " Que fais-tu ici, dans ce coin perdu ? Toi, le Fils de Dieu ! (ce n'est pas alors le " si tu es " de la première tentation). Tu as une mission pour le monde entier. Ce monde est un pauvre monde aux besoins nombreux et urgents ! Ce monde, tu dois le racheter ! Tu n'es pas à ta place ici ! Proclame-toi fils de Dieu, pour le bien du monde. "

Ne pensez-vous pas que des voix subtiles ont dû lui souffler de semblables paroles aux oreilles et qu'il a dû les entendre ? Mais fidèlement, sans broncher, Il continua à vivre dans le cercle tracé, avec une obéissance parfaite, jusqu'au moment où la voix du Père lui permit d'aller de l'avant.

Un combat ininterrompu
 
Par son obéissance, Il s'opposa ensuite à la personne et à la vie du Prince-traître de ce monde, devenu indigne du titre que Dieu lui avait donné. Il sapa et mina la domination que Satan avait acquise sur les hommes et sur la terre. La constante tentation qui le guetta fut de se détourner, ne serait-ce que de l'épaisseur d'un cheveu, de la volonté de Dieu. Il lui résista toujours par la soumission. Et par elle, Il fut l'ouvrier de la défaite finale du Prince-Usurpateur.

Vint la tentation dans la solitude du Désert. Son ministère public eut pour prélude ce formidable et subtil assaut du Tentateur. Mais, à nouveau, notre Seigneur maintint ses positions, inébranlable dans l'accomplissement de la volonté de son Père. La même obéissance qui fit la victoire de Jésus à Nazareth, fit son triomphe au Désert.

Ensuite, s'écoulèrent les trois années et demi de ministère public. Années où la tentation se fit plus raffinée et plus violente encore, les assauts plus intenses et plus variés, la lutte plus acharnée et plus serrée. Il est impressionnant, effrayant même de se pencher sur notre Seigneur et de constater l'extrême tension de son Esprit à certaines heures d'assauts redoutables. On entend sa respiration profonde. On recule devant la sueur dont ses tempes sont humides, ses mâchoires serrées et l'on peut saisir la prière intense et muette qui s'échappe de ses lèvres. Il ne broncha ni ne faillit jamais. Il fut un vainqueur de tous les instants grâce à cette fidélité au chemin tracé par Dieu. Et sa victoire, c'est la défaite de l'Ennemi. Chaque heure qui, une à une s'égrène, approfondit et intensifie cette défaite. C'est déjà dans sa vie et par sa vie que Jésus vainquit Satan
.

Le point culminant
 
Et le point culminant fut atteint : la défaite par la mort. Jésus fut obéissant non seulement dans sa vie mais jusque dans la terrible épreuve qu'est la mort, que dis-je, dans la plus cruelle, la plus ignominieuse de toutes les morts, dans la mort de la Croix. Il n'a pas hésité à accepter cette mort. Et puisque Jésus persistait à vouloir obéir jusque dans la mort, Satan, lui, voulut y ajouter des raffinements de souffrances pour que le Christ en connût les plus terribles atteintes.

Or, par sa mort, Jésus remporta une triple victoire qui fut pour Satan une triple défaite. Le péché de Satan avait, en effet, jeté du désordre dans le gouvernement divin de l'Univers ; il avait terni la gloire de Dieu et rendu l'homme esclave. La mort de Jésus fut un coup porté à l'emboîture de la hanche de l'Ennemi : il compromit ces trois résultats. Il vengea la Souveraineté de Dieu et sa Gloire bafouée. Il délivra l'homme de tout esclavage. Il fléchit son coeur par l'Amour.

L'homme dont le coeur est brisé par cet amour sans pareil retourne à Dieu. " Et par la mort de Jésus, la justice de Dieu est manifestée en proclamant juste tout homme qui croit en Jésus. " (Romains : 3 /26). Et l'empire de Satan fut à jamais ébranlé dans ses fondements.

De même que sa mort fut le point culminant de son ministère, de même la Résurrection fut celui de sa mort. Notre Seigneur, de Lui-même, se livra aux étreintes de la mort, puis descendit dans les entrailles de l'enfer en notre nom, à notre place, comme notre substitut. Ayant complètement défait Satan par cet acte, Il ressuscita de sa propre Volonté et reprit vie. Par la Croix, Il fut vainqueur du péché. Par sa Résurrection, Il fut vainqueur de la mort. Ce fut autant de victoires remportées sur l'Ennemi.

Et toutes les fois que l'on articule le mot " Victoire ", c'est le mot défaite que l'on épelle en accentuant chaque syllabe. Détachez les cordes et carillonnez. Tintez clair et haut, vous, cloches bénies ! Résonnez, orgues puissantes en des accords d'une allégresse nouvelle ! Notre Seigneur est Vainqueur ! Notre Adversaire n'est plus qu'un ennemi tristement frappé.

La seconde défaite
 
Puis il est une seconde défaite. Mais, dites-vous en vous-même, pourquoi une seconde ? La réponse à cette question est d'une portée extrêmement pratique pour votre vie et la mienne. La première défaite fut infligée sur le champ de bataille de la terre. La deuxième doit avoir lieu sur le champ de bataille de la vie de chaque homme. Tout homme décide de sa propre vie et de l'issue de ses batailles (nous l'avons vu) par son choix personnel. Tout homme est le maître de sa propre volonté. Or, chacun peut se réclamer de ce que le Seigneur a fait pour lui. En notre nom, Il a vaincu Satan. Nous devons, chacun, nous réclamer de la puissance de cette victoire sur le champ de bataille de nos vies.

Jésus nous a enseigné à prier ainsi : " Ne nous laisse pas tomber dans la tentation, mais délivre-nous du Malin ". Il fut induit en tentation, mais Il remporta la victoire sur la tentation. Tandis que nous, les hommes, nous avons été tentés et nous n'avons pas su triompher. Mais au nom de Jésus, le Vainqueur, nous pouvons, au milieu de nos tentations, nous réclamer de la victoire du Maître. En dehors de cet appui, nous sommes faibles. Le jardin d'Eden le prouve, ainsi que l'expérience de tout homme, dans sa vie de chaque jour, depuis la création du monde.

Ainsi, seuls, nous ne saurions supporter la tentation. Il faut nous pénétrer de la farce d'un Autre, de la victoire d'un Autre.
" Ne nous laisse pas tomber dans la tentation ", signifie que nous nous attachons aux pas de notre Vainqueur et que nous nous réclamons de ce qu'Il a fait pour nous. Mais c'est à chacun de nous de comprendre tout cela. Et avec le plus grand respect, j'ajoute, que notre Seigneur ne peut pas livrer mes batailles et lutter contre mes tentations à ma place. C'est Lui qui a remporté ma victoire, mais il m'appartient à moi, par ma ferme volonté, de m'approprier cette victoire.

La seconde bataille se livre donc sur le terrain de ma volonté fortifiée par la puissance du Seigneur Jésus. Et cette victoire peut devenir aussi radicale et décisive dans ma vie que celle remportée par Jésus sur la Croix et au matin de la Résurrection.

Permettez-moi de clore cet entretien en vous expliquant brièvement comment cette victoire peut devenir pour moi une réalité de chaque jour ? Tout d'abord je me confie dans la puissance du sang de Jésus. Nous remportons la victoire à cause du sang de l'Agneau (Apocalypse : 12 / 11). Nous nous réclamons de son efficace et nous nous attendons à sa toute-puissance, dans nos conflits.

Et puis vient l'entier et joyeux abandon de notre vie à la domination de notre grand Ami, le Vainqueur. Par cet acte, nous reconnaissons la souveraineté ineffable du Saint-Esprit et nous nous y soumettons. Nous lui cédons le pas dans toutes les circonstances et dans tous les gestes de notre vie, si bien que cette habitude devient comme une fonction naturelle, comme la respiration, par exemple.

Et ce faisant, nous acquerrons aussi la même facilité d'obéissance, la même humilité, la même sympathie tendre et aimante pour les hommes, la même simplicité de vie, la même bonne volonté à se sacrifier pour les besoins d'autrui, qui furent les caractéristiques de Jésus, notre Seigneur.

Ce sera là le niveau spirituel qui deviendra notre cible habituelle. Car le Saint-Esprit verse en nous la vie et l'esprit de Jésus.
Puis, en ce qui concerne Satan, nous apprendrons à mieux le reconnaître. Reconnaître la tentation là où elle est, c'est déjà une bataille à moitié gagnée. Et, dépistée, la tentation devra être combattue avec une résistance acharnée et constante.

" Résistez au diable et il fuira loin de vous. " (Jacques : 4 / 7, 1 Pierre : 5 / 8-9). Il sait qu'il est vaincu. n sait qu'il lui est impossible de résister quand on lui oppose la victoire de Jésus. Alors, il s'éloigne à contrecœur et furieux peut-être, mais il s'éloigne quand même devant la puissance du nom de Jésus.

Résistez à Satan sans relâche et avec audace. Apprenez à discerner son pas, sa voix et ses supercheries. Ensuite, livrez-lui le combat au nom du Vainqueur et Satan connaîtra sa deuxième grande défaite sur le champ de bataille de votre vie
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III. SON COMBAT ACTUEL

Il faut que chacun décide pour soi-même

 
Nul ne peut choisir pour un autre. Nous pouvons quelquefois accepter le choix d'un autre, mais, dans ce cas, nous acceptons simplement qu'un autre nous aide à choisir. Encore faut-il que ce soit nous qui prenions la décision de faire nôtre son choix. Sans notre adhésion, un autre ne pourrait choisir pour nous. Ce n'est vrai, naturellement, que lorsque ni la force ni la contrainte n'entrent en jeu. Car Dieu veut que l'homme soit pleinement libre pour choisir, pour lutter et perdre ou gagner la bataille.
Dieu agit par nous. Et par la force qu'Il met à notre disposition, notre victoire devient aussi certaine, aussi écrasante que la sienne. C'est grâce à Sa force manifestée par notre libre décision que toute victoire est remportée.

Ainsi s'explique le pourquoi de cette lutte constante et toujours présente que mène Satan. De prime abord, il semble étrange qu'après avoir été défait, le Vaincu puisse encore avoir la liberté de recommencer le combat. Une défaite aussi radicale et décisive que celle infligée à Satan par notre Seigneur, devrait impliquer que le conflit a pris fin. Une victoire met généralement un terme aux hostilités. Satan fait exception à la règle. Quoique vaincu, il a poursuivi et poursuit encore ses attaques et avec des succès retentissants. Pourquoi cela ? Nous venons de le dire et c'est d'une importance capitale. C'est à cause de nous que la lutte continue. Si ce n'était nous et le rôle qui nous est échu dans l'affaire, il y a longtemps que l'activité de Satan aurait cessé.

Prêtons attention au fait que Jésus a agi à notre place, et nous comprendrons immédiatement pourquoi la lutte continue. Il vécut et mourut en notre nom. C'est pour nous qu'Il descendit sur cette terre et vécut comme Il l'a fait, qu'Il endura la tentation, souffrit et mourut. Toute sa pensée a été de faire quelque chose à notre place. Mais à notre tour maintenant de refaire ce qu'Il a fait, avec toute la force que nous acquiert sa victoire.

 
Le champ de bataille
 
Nous voici conduits normalement à la sphère d'activité de Satan.

Remarquez que, dans la Parole de Dieu, cinq quartiers sont assignés à Satan pour déployer son activité. En premier lieu, en présence de Dieu (Ézéchiel : 28 / 13-17). Puis, après sa chute, il fut rejeté en dehors de cette présence. Son quartier général fut alors transféré au-dessous du trône de Dieu, au-dessus de la terre (Ézéchiel : 28 / 16; Luc : 10 / 18 ; Éphésiens : 2 / 2 ; Éphésiens : 6 / 12)

Ce théâtre d'action est toujours le sien. Il le sera jusqu'à la fin du présent ordre de choses. Après un temps, Satan doit être précipité sur la terre. (Apocalypse : 12 / 7-9). Puis viendra le moment où il sera jeté dans " l'abîme " (Apocalypse : 20 / 2-3) et enfin sa demeure dernière sera un lieu nommé " l'étang de soufre et de feu. " (Apocalypse : 20 / 10)

Mais c'est sa sphère d'activité et son quartier général actuels qui nous intéressent maintenant.

Son lieu de résidence, avons-nous dit, se trouve quelque part au-dessus de la terre. Sa sphère d'activité, c'est la terre et l'atmosphère qui l'enveloppe. Ses titres l'indiquent : " Prince de ce monde " (Jean : 12 / 31 ; Jean : 14 / 30 ; Jean : 16 / 11), " Prince de la puissance de l'air " (Éphésiens : 2 / 2), " dieu de ce siècle " (2 Corinthiens : 4 / 4). Les deux grandes tentations dont il fut l'auteur principal se situent sur la terre, en Eden et dans le Désert.

Quand Satan s'attaqua à Job, deux des calamités qui fondirent sur lui furent la guerre - esprit du mal réveillé parmi les hommes - (Job : 1 / 15 et 17) et deux autres furent causées par de violentes perturbations dans l'atmosphère (Job : 1 / 16 et 19)

Dans la remarquable histoire de Daniel, au dixième chapitre, une créature animée de l'esprit malin s'opposa à la prière de Daniel, en voilant à ses regards le messager de Dieu descendu du Ciel sur la terre où se trouvait Daniel. Pendant que le vieillard priait à genoux dans les bois, près du Tigre, deux Esprits, l'un venant de Dieu, l'autre du camp de l'Ennemi, pour s'opposer au messager de Dieu, luttaient dans le royaume des esprits au-dessus de la terre. Et ce corps à corps acharné se livrait au sujet d'un événement terrestre (Daniel : 10)

Un passage très frappant dans Évangile de Marc (Marc : 4 / 35-41) projette, sur cette sphère d'activité, de lumineuses clartés. Une grande tempête s'éleva pendant que notre Seigneur dormait à la poupe de la barque, la tête sur un coussin. Il fallait que cette tempête fût d'une exceptionnelle violence pour qu'elle terrorisât ainsi ces vieux marins. Dans leur détresse et leur frayeur, ils éveillèrent Jésus et implorèrent son aide. Remarquez son geste et les paroles qu'Il prononça : Il menaça le vent et dit avec autorité à la mer : " Silence ! tais-toi ! " Il employa la forme de langage dont on se sert pour parler à un chien qu'on reprend.

Ce passage tout entier est significatif. On ne parle pas de cette manière au vent et à la mer, surtout lorsqu'on est aussi calme que pouvait l'être Jésus. Cette tempête, d'une violence exceptionnelle, fait songer immédiatement à l'oeuvre d'un esprit malin ou même de plusieurs mauvais esprits.

Les paroles de Jésus obligent à admettre qu'il a reconnu, dans cette tempête, l'action d'une personne. Quelqu'un était à l'oeuvre derrière le vent et l'eau, à qui Il ordonna de se tenir tranquille. Ce quelqu'un obéit. Un grand calme se fit. Ainsi, la sphère d'action du Malin s'étend, non seulement à la terre, mais à l'eau et au vent. Il en est ainsi parce que ces éléments sont aussi notre habitat. Là où nous sommes, Satan s'y trouve. C'est nous qu'il veut, et par nous, la domination de la terre.
 
Provision d'air pur

Nous vivons, vous et moi, en plein champ de bataille. Nous sommes au fort du combat qui se livre en ce moment. Il faut que nous prenions parti pour l'une ou l'autre des forces aux prises. Et notre décision déterminera le résultat final de la lutte puisque c'est à cause de nous qu'elle se poursuit.

Un scaphandrier qui travaille au fond des mers ou d'un fleuve, doit se munir d'une quantité d'air suffisante pour son séjour dans l'eau. Et cet air doit être constamment purifié. Ainsi, remarquez-le, il a besoin d'air, et d'air qui se renouvelle.
Le Prince de la puissance de l'air, par ses agissements, a corrompu l'atmosphère morale de la terre ; il l'a empoisonnée. Une atmosphère de doute, de compromis, de déloyauté envers Dieu nous entoure. Et pourtant, il nous y faut demeurer et combattre.

 
 
 



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